Chapitre
3
NOTRE
ESPÉRANCE, SALUT !
Paragraphe
1
Marie est
l'espérance des tous les hommes
Les hérétiques modernes sont révoltés
de nous entendre saluer et invoquer Marie comme notre espérance. Spes nostra,
salve ! Dieu seul, disent-ils,
est notre espérance, et il maudit quiconque met son espérance dans la créature, car il
est écrit : Malédiction à l'homme qui se confie en un homme. Comment donc Marie peut-elle être notre
espérance, puisqu'elle est une simple créature ? Ainsi disent les
hérétiques ; mais, nonobstant
leurs clameurs, la sainte Église veut que, chaque jour, tous les ecclésiastiques et tous
les religieux élèvent la voix vers Marie, et qu'au nom de tous les fidèles, ils l'invoquent et
la saluent du nom si doux de notre espérance, espérance de tous les hommes : Spes nostra,
salve ! " ô notre espérance, nous vous saluons " !
Selon saint Thomas, il est deux manières de placer son espérance en une personne,
selon qu'on la considère comme cause principale, ou comme cause intermédiaire.
Ceux qui attendent du roi quelque faveur l'attendent de lui comme souverain, et de son ministre ou
favori comme intercesseur. Si la grâce est accordée, elle viendra principalement du roi, mais
par l'intermédiaire de son favori ; ainsi, celui qui la sollicite, a bien raison d'appeler
l'intercesseur son espérance. Le Roi du ciel, en raison de sa bonté infinie, désire
extrêmement nous enrichir de ses grâces ; mais pour cela la confiance est nécessaire de
notre part ; voulant donc augmenter en nous cette confiance, il nous a donné pour Mère et
pour Avocate sa propre Mère, et l'a investie de tout pouvoir pour nous appuyer ; il veut
en conséquence que nous mettions en elle l'espoir de notre salut et de tous les biens. Ceux
qui placent leur espérance dans les seules créatures, et d'une manière indépendante de
Dieu, comme font les pécheurs, qui ne reculent pas devant l'offense de Dieu, pour gagner
l'amitié ou la faveur d'un homme, ceux-là sans aucun doute sont maudits de Dieu, ainsi que
le déclare le prophète. Mais ceux qui espèrent en Marie comme Mère de Dieu, ayant le
pouvoir de leur obtenir la grâce et la gloire, sont bénis du Seigneur ; ils font ce qui est
agréable à son coeur, car Dieu se plaît à voir honorer cette sublime créature, qui l'a aimé
et glorifié en ce monde plus que tous les hommes et tous les anges.
C'est donc à juste titre que nous proclamons la bienheureuse Vierge notre
espérance,
puisque, selon le cardinal Bellarmin, nous espérons obtenir par son intercession ce que
n'obtiendraient pas nos prières seules. - Nous la prions, dit Suarez, afin que la dignité
d'une telle Médiatrice supplée à notre bassesse. Or, ajoute-t-il, prier Marie avec une telle
espérance, ce n'est pas témoigner que nous nous défions de la miséricorde divine, mais que
nous tremblons à la pensée de notre indignité.
Ainsi, l'Église a raison d'appeler Marie, par un mot emprunté à l'Ecclésiastique,
la Mère de la sainte espérance, c'est -à-dire, celle qui fait naître en nous, non la vaine espérance
des biens misérables et passagers de cette vie, mais la sainte espérance des biens immenses et
éternels de la vie future.
Saint Ephrem, s'adressant à la divine Mère, s'écrie : " Recevez mes hommages,
ô Marie, ô l'espérance de mon âme, le salut assuré des chrétiens, le refuge des pécheurs, le
rampart des fidèles et le salut du monde entier " ! - Saint Bonaventure nous avertit qu'après
Dieu nous n'avons pas d'autre espérance que Marie. Et saint Ephrem, considérant l'ordre présent
de la Providence, selon lequel Dieu a décrété, comme l'affirme saint Bernard, que tous
ceux qui se sauvent, soient redevables de leur salut à l'intercession de Marie, saint Ephrem,
disons-nous, la prie en ces termes : O grande Reine ! ne cessez point de veiller sur nous et
de nous couvrir du manteau de votre protection, car après Dieu, vous êtes notre seul espoir.
Saint Thomas de Villeneuve proclame également Marie notre unique refuge, notre unique ressource,
notre unique asile.
Tous ces beaux titres décernés à Marie, saint Bernard semble vouloir les justifier
quand il écrit : " Considère, ô homme, le dessein de Dieu, en vue de nous dispenser
ses miséricordes avec plus d'abondance : ayant décrété le rachat du genre humain,
il a remis entre les mains de Marie tout le prix de la rédemption, afin
qu'elle le distribue
à son gré ".
Quand Dieu commanda à Moïse de faire le propitiatoire : Tu le feras, dit-il, d'un or
très pur ; c'est de là que je te parlerai et te donnerai mes ordres. Selon la remarque d'un
auteur, Marie est le vrai propitiatoire d'où le Seigneur parle aux hommes, et leur accorde
le pardon de leurs fautes, ses grâces, et tous ses bienfaits :
"
Vous êtes pour l'univers entier
le propitiatoire d'où le Seigneur nous parle au coeur, rend des oracles pleins de douceur et
de clémence, nous distribue ses faveurs, et répand, en un mot, tous les biens sur nous ".
Avant de s'incarner dans le sein de Marie, le Verbe divin lui fit demander son
consentement par un archange. Pourquoi cela ?
Il voulait, répond saint Irénée, que de Marie
nous vinssent tous les biens, notamment l'Incarnation, qui les renferme tous. Ainsi, conclut
le savant Idiot, tout ce que les hommes ont reçu ou recevront jamais de biens, de secours,
de grâces, c'est par l'intercession et par les mains de Marie que Dieu le leur a toujours
accordé, et le leur accordera toujours.
O Marie, s'écrie avec raison le pieux Louis de Blois, quel sera l'insensé,
le malheureux qui refusera de vous aimer, vous, si aimable et si généreuse envers ceux qui vous
aiment ! Vous éclairez l'esprit de ceux qui s'adressent à vous dans leurs doutes et leurs
perplexités ; vous consolez dans leurs afflictions ceux qui se confient en vous ; vous secourez ceux
qui vous invoquent dans le péril. Après votre divin Fils, vous êtes le
salut assuré de vos
serviteurs fidèles. Je vous salue donc, ô espérance des désespérés et secours des
abandonnés ! O Marie, vous êtes toute-puissante, puisque votre Fils vous honore au point
d'accomplir sans nul retard tous vos désirs.
A son tour, saint Germain voyait en Marie la source de tous les biens et
en attendait la délivrance de tous les maux. " O ma Souveraine, lui disait-il, par la volonté de Dieu,
vous êtes ma consolation, le guide de mon pèlerinage, la force de ma faiblesse, la richesse de
mon indigence, le remède de mes blessures, le soulagement de mes douleurs ; vous seule
pouvez briser mes chaînes, sur vous je fonde l'espoir de mon salut ; exaucez mes prières,
soyez touchée de mes soupirs, ô vous, ma Maîtresse, mon refuge, ma vie, mon secours,
ma force et mon espérance " !
Elle est donc pleine de justesse, l'application que fait
saint Antonin à Marie,
de ces mots de la Sagesse : Tous les biens me sont venus conjointement avec elle. Et, en effet,
comme l'affirme ce saint, Marie étant la mère et la dispensatrice de tous les biens, le genre
humain, et spécialement quiconque est attaché au service de cette grande Reine, peut se
féliciter d'avoir obtenu tous les biens par le moyen de Marie et de la dévotion envers elle.
De là cette affirmation absolue de l'abbé De Celles : " Qui trouve Marie, trouve tous les
biens ". Il trouve toutes les grâces, toutes les vertus, car, par sa puissante
intercession,
elle lui obtient tout ce dont il a besoin, et l'enrichit de tous les dons célestes. Elle-même
nous fait savoir par la bouche du Sage, qu'elle tient entre ses mains toutes les richesses de
Dieu, c'est-à-dire, les divines miséricordes, pour les distribuer à ceux dont elle est aimée.
Nous devons donc, selon l'avertissement de saint Bonaventure, tenir sans cesse les yeux
fixés sur les mains de cette tendre Mère, afin de recevoir par son moyen les biens que nous
souhaitons.
Oh ! combien d'orgueilleux ont trouvé l'humilité dans la dévotion à Marie ! combien
de colères, la mansuétude ! combien d'aveugles, la lumière ! combien de désespérés, la
confiance ! combien d'âmes perdues, le salut ! mais tout cela, n'est-il
pas renfermé dans
quelques mots prophétiques de Marie elle-même ? Dans le sublime cantique qu'elle chanta
chez Élisabeth, n'a-t-elle pas dit : Voici que désormais toutes les nations me proclameront
bienheureuse ? Ces paroles, saint Bernard les lui redit en les complétant : Oui, toutes les
générations vous proclameront bienheureuse, parce qu'à toutes les générations vous avez
donné la vie et la gloire ; car en vous les pécheurs trouvent le pardon, et les justes la
persévérance dans la grâce de Dieu.
Le pieux Lansperge fait ainsi parler Notre-Seigneur à l'humanité
entière : Pauvres enfants d'Adam, qui vivez au milieu de tant d'ennemis et parmi tant de misères,
ayez soin d'honorer avec une affection particulière celle qui est ma Mère et la vôtre. Car j'ai donné
Marie au monde comme le modèle dont vous puissiez apprendre à vivre saintement, et
comme le refuge auquel vous puissiez recourir dans vos afflictions. Je l'ai formée moi-même
de telle sorte que personne ne puisse la craindre ni avoir de répugnance à l'invoquer ; c'est
pourquoi je l'ai créée avec un naturel si plein de bonté et de compassion, qu'elle ne
saurait mépriser aucun de ceux qui ont recours à elle, ni refuser une faveur qu'on lui
demande ; elle tient ouvert à tous le sein de sa miséricorde, et ne permet jamais qu'après
s'être jeté à ses pieds, on se retire sans être consolé.
- Louée soit donc et bénie à jamais
l'immense bonté de notre Dieu, qui nous a donné cette Mère, et cette Avocate si tendre et
si aimante.
O Dieu ! quelle tendresse dans les sentiments de confiance que saint Bonaventure, si
embrasé du divin amour, ressentait à l'égard de notre très aimant Rédempteur Jésus, et de
notre très aimante Avocate Marie ! Le Seigneur m'eût-il réprouvé, disait-il, je sais qu'il ne
peut se refuser à quiconque l'aime et le cherche de coeur. Je le serrerai dans les bras de
mon amour, et, s'il ne me bénit, je ne le laisserai point aller ; il ne pourra se retirer, sans
m'entraîner avec lui. Si je ne puis faire autre chose, je me cacherai au moins dans ses plaies ; tant que
je demeurerai là, il ne pourra me trouver hors de lui.
- Enfin, ajouta-t-il, si, en
haine de mes péchés, mon Rédempteur me chasse loin de lui, j'irai me jeter aux pieds de sa
Mère ; et là prosterné, je ne partirai point qu'elle ne m'ait obtenu mon pardon. Car cette
Mère de miséricorde ne sait et n'a jamais su être insensible aux misères, ni refuser
d'exaucer les misérables qui ont recours à sa protection. Ainsi, concluait le saint, si ce n'est
par obligation, au moins par compassion, elle ne manquera pas d'engager son divin Fils à
me pardonner.
Terminons, en disant avec Euthymius :
Abaissez, ô Mère de miséricorde, abaissez vos
regards miséricordieux sur nous, qui sommes vos serviteurs, et qui avons mis en vous
toute notre espérance.
Paragraphe
2
Marie est l'espérance
des pécheurs
Après avoir créé la terre,
Dieu fit deux grands luminaires, l'un plus grand, pour présider au jour, l'autre moindre, pour présider à la nuit.
Selon le cardinal Hugues, le premier de ces deux luminaires, le soleil, est la figure de Jésus-Christ, dont la lumière
éclaire les justes qui vivent dans le jour de la grâce de Dieu ; et le second, la lune, est la figure de Marie,
dont la douce lueur reste aux malheureux plongés dans la nuit du péché. Marie étant donc
cet astre propice aux pécheurs, que doit faire le malheureux qui
se trouve environné
des ténèbres de l'iniquité ? Puisqu'il a perdu la lumière du
Soleil de Justice en perdant la
grâce divine, répond Innocent III, qu'il tourne ses regards vers l'astre qui brille pour lui ;
qu'il invoque Marie ; elle l'éclairera sur le malheur de son état et lui donnera la force d'en
sortir sans retard. Au dire de saint Méthode, on pourrait à peine compter les conversions dues
aux prières de Marie.
Parmi les titres sous lesquels la sainte Église veut que nous invoquions la Mère de Dieu,
le plus encourageant pour les pauvres pécheurs, c'est le titre de Refuge des pécheurs,
que nous lui donnons dans les litanies. Anciennement, il y avait en Judée plusieurs villes
de refuge, où les délinquants pouvaient se retirer, afin d'échapper à la peine qu'ils
avaient encourue ; à présent, il n'y a plus qu'une seule
cité de refuge, et c'est Marie,
à qui s'applique cette parole prophétique : Bien
glorieuses, ô
cité de Dieu, sont les choses
qui ont été dites à ton sujet. Mais il est une différence entre elle et les asiles de la loi
ancienne : ceux-ci n'étaient pas ouverts à tous les coupables, mais seulement à ceux qui
étaient prévenus de certains délits ; au contraire, dès qu'ils se réfugient sous le manteau
de Marie, tous les pécheurs, quelles que soient leurs fautes, sont à l'abri du châtiment. " Je suis,
nous dit-elle par la bouche de saint Jean de Damas, je suis la cité de refuge, tous ceux
qui viennent à moi seront sauvés ". Il suffit de se réfugier dans cette
cité ; quiconque est
assez heureux pour y entrer, y trouve toute sûreté, avant même d'avoir plaidé sa cause. Venez,
entrons dans la ville forte, dit Jérémie, et demeurons-y en silence. D'après le bienheureux
Albert le Grand, cette ville forte est la sainte Vierge, que la grâce et la gloire environnent
comme un rempart ; et il ajoute, en citant la Glose : Puisque nous n'osons demander nous-mêmes
au Seigneur le pardon de nos péchés, nous pouvons du moins nous retirer dans cette citadelle et nous y tenir en silence ; ce sera
assez, Marie se chargera de parler et d'intercéder pour nous. Un autre pieux auteur exhorte également tous
les pécheurs à s'abriter sous le manteau de la Reine du ciel : " Réfugiez-vous, Adam et Ève, et vous
aussi, leurs pauvres enfants, qui avez irrité le Seigneur, réfugiez-vous tous dans le sein de
cette bonne Mère. Ne savez-vous pas qu'elle est l'unique
cité de refuge, et l'unique espérance
des pécheurs " ? Oui, l'unique espérance des pécheurs ; ainsi l'appelle déjà saint Augustin.
"
O Marie,
vous êtes l'unique avocate des pécheurs et de ceux qui sont dénués de toute ressource ", dit à son tour saint Ephrem ; puis il
s'écrie : " Salut, ô vous, le refuge des pécheurs et leur
asile ; en vous seule, ils peuvent trouver sûreté et protection ". Et,
selon un auteur, David désignait déjà Marie quand il disait : Dieu m'a mis à couvert dans
le secret de son tabernacle. Quel est, en effet, le tabernacle de Dieu, sinon
Marie ? ainsi
la nomme saint André de Crète : " Vous êtes, dit-il, le tabernacle que Dieu lui-même a
dressé, et dans lequel lui seul est entré, pour accomplir les grands mystères de la
rédemption des hommes ".
L'illustre saint Basile dit à ce propos qu'en nous donnant Marie, Dieu nous
a en quelque sorte ouvert un hôpital public, où peuvent être reçus tous les malades pauvres et privés
de toute autre ressource. Or, je le demande, les hôpitaux étant fondés spécialement pour les
pauvres, quels sont ceux qui ont le plus de titres à y être
admis ? ne sont-ce pas les plus
indigents et les plus malades ? Celui donc qui se trouve plongé dans la misère, c'est-à-dire
dépourvu de tout mérite et chargé de péchés, qui sont les maladies de l'âme, il peut, ce
semble, dire à Marie : Auguste Dame ! vous êtes l'asile des pauvres malades ; ne me
rejetez donc pas, puisque, plus pauvre et plus malade que tous les autres, j'en ai plus de
droit à être accueilli par vous.
Disons-lui avec saint Thomas de Villeneuve : O Marie, nous, pauvres pécheurs,
nous ne connaissons point d'autre refuge que vous ; vous êtes notre unique espérance dans
l'affaire de notre salut ; vous êtes après Jésus-Christ l'unique avocate vers laquelle nous
tournons nos regards.
Dans les révélations de sainte Brigitte, Marie
est dite l'astre avant-coureur du soleil,
pour nous donner à entendre que, quand la dévotion à la divine Mère fait son apparition
dans l'âme d'un pécheur, c'est un présage infaillible que bientôt le Seigneur reviendra à elle
avec les richesses de sa grâce. Le glorieux saint Bonaventure, pour réveiller la confiance des
pécheurs en la protection de Marie, les représente d'abord comme exposés à périr sur une
mer orageuse. Déjà tombés du navire de la grâce, et ballotés çà et là par le remords de leur
conscience et la crainte des jugements de Dieu, sans lumière et sans guide, les infortunés
se voient au moment de perdre le dernier souffle d'espérance qui les fait encore vivre. C'est
alors que le Seigneur, leur montrant Marie, si connue sous le nom d'Étoile de la mer, élève
en quelque sorte la voix pour crier à ces naufragés : Pauvres pécheurs, qui vous croyez
perdus, ne désespérez pas ; levez les yeux vers cette belle Étoile, reprenez haleine et
courage ; car Marie vous retirera du milieu de la tempête, et vous conduira au port du
salut. - Saint Bernard exprime la même pensée : Si vous ne voulez pas être submergé par la
tempête, regardez l'Étoile, appelez Marie à votre secours.
Et, en effet, selon Louis
de Blois, " Marie est l'unique refuge de ceux qui ont eu le malheur d'offenser Dieu ; elle est l'asile de tous ceux qui sont
en butte aux tentations et aux coups de l'adversité ; elle est toute bonté, toute douceur, non seulement envers les justes,
mais encore envers les pécheurs les plus désespérés : aussi, quand elle les voit venir à elle,
et qu'elle les entend implorer de tout coeur son assistance, elle s'empresse de les secourir,
les accueille, et leur obtient leur pardon de son divin Fils. Elle n'en sait mépriser aucun,
si indigne qu'il soit ; elle ne refuse à aucun sa protection ; elle les console tous et à peine
l'a-t-on invoquée, qu'on en est aussitôt secouru. Bien Souvent, par sa douceur, elle sait
attirer à son culte et réveiller les pécheurs les plus étrangers à l'amour de Dieu, les
plus profondément ensevelis dans la léthargie du vice ; par là ils se disposent à recevoir
la grâce divine et à se rendre enfin dignes de la gloire éternelle. En formant cette
Fille
de prédilection, Dieu l'a douée d'un caractère si compatissant et si prévenant, que personne
ne peut jamais, par défaut de confiance, hésiter à réclamer son intercession. Enfin, conclut
le pieux auteur, il n'est pas possible qu'une âme se perde, qui cultive avec zèle et humilité
la dévotion à cette divine Mère ".
Elle est comparée au platane : Je me suis élevée comme le platane.
C'est encore un encouragement pour les pauvres pécheurs. Le platane protège contre les ardeurs du
soleil les voyageurs qui se réfugient sous son feuillage, et quand Marie voit la colère divine
près d'éclater sur la tête des pécheurs, elle les invite à se réfugier sous l'ombre de sa
protection. C'était avec raison, remarque saint Bonaventure, que le prophète Isaïe se désolait
de son temps, et disait à Dieu : Vous voilà irrité contre nous, et votre colère est juste,
car nous avons péché ; et il n'est personne qui se lève pour retenir votre bras, personne qui
puisse vous fléchir en notre faveur. Il disait vrai, car, en ces temps là, Marie n'était pas encore
au monde ; et, avant sa naissance, dit le saint, personne n'eût osé comme elle retenir
le bras vengeur du Très-Haut. Mais aujourd'hui, quelque irrité que soit le Seigneur contre
un pécheur, si Marie le prend sous sa protection, elle parvient à le sauver en empêchant son
Fils de le punir. Et aucune autre créature, continue le même saint,
ne pourrait, aussi bien
qu'elle, aller jusqu'à mettre la main sur le glaive de la divine justice, et suspendre les coups
dont il menace les coupables. Richard de Saint-Laurent exprime la même pensée : Avant la
naissance de Marie, dit-il, Dieu se plaignait que personne ne
s'opposât à ses vengeances
sur les pécheurs ; mais, à présent que Marie est dans le monde, elle apaise sa colère.
Basile de Séleucie encourage aussi le pécheur, en lui disant :
"
Pécheur, ne perds pas
confiance, mais, en toute circonstance, recours à Marie et invoque-là ;
tu la trouveras
toujours prête à te secourir, car c'est la volonté de Dieu qu'elle nous aide dans tous nos
besoins ". - Cette Mère de miséricorde est si désireuse de sauver les pécheurs les plus
désespérés, qu'elle va elle-même à leur recherche pour les
secourir ; et, s'ils implorent son
assistance, elle sait bien trouver le moyen de les rendre chers à Dieu.
Isaac désirait un jour manger du gibier ;
il appela Ésaü et lui promit de le bénir quand il lui en aurait apporté. Mais Rébecca, qui voulait que cette bénédiction fût
l'apanage de son autre fils Jacob, ordonna à celui-ci de lui amener deux chevreaux, qu'elle apprêterait
au goût d'Isaac. Selon saint Antonin, Rébecca fut ici la figure de Marie, et les chevreaux,
celle des pécheurs : la Reine du ciel dit aux anges : Amenez-moi des pécheurs ; je leur
procurerai le repentir de leur fautes avec une ferme résolution de ne plus pécher, et je
saurai, par ce moyen, les rendre agréables et chers au Seigneur. - L'abbé Francon, développant la même pensée, ajoute que Marie
sait si bien apprêter ses chevreaux, qu'ils deviennent, pour le goût, non seulement comparables, mais parfois même supérieurs
aux cerfs.
Il n'est pas au monde de pécheur, pour éloigné qu'il soit de Dieu, qui ne puisse
se convertir, et recouvrer l'amitié divine, s'il veut seulement recourir a Marie et réclamer
son assistance. Elle-même l'a révélé ainsi à sainte Brigitte. La même sainte entendit un jour
Jésus-Christ dire à sa Mère, qu'elle serait disposée à demander la grâce pour Lucifer
même, si celui-ci pouvait s'humilier jusqu'à se recommander à elle :
" Vous ne refuseriez pas
votre compassion au démon lui-même, s'il vous priait humblement ". Jamais on ne verra
cet esprit superbe s'abaisser au point d'implorer là protection de Marie ; mais, si cela
pouvait arriver, la Mère de Dieu serait assez bonne, assez puissantes seraient ses prières,
pour lui obtenir du Seigneur le pardon et le salut. Mais ce qui ne peut avoir lieu pour le
démon, se réalise tous les jours en faveur des pécheurs qui ont recours à cette Mère de
miséricorde.
L'arche de Noé fut sans doute une figure de Marie ;
car, si l'arche offrit un abri
à tous les animaux dé la terre, le manteau de Marie sert de refuge à tous les pécheurs, que leurs
vices et leurs péchés sensuels assimilent aux brutes. Il y a cependant une différence, observe un
auteur : Les animaux entrés dans l'arche demeurèrent ce qu'ils étaient ; le loup demeura
loup, le tigre demeura tigre ; au lieu que, sous le manteau de Marie, le loup se transforme
en agneau, et le tigre en colombe. Sainte Gertrude vit un jour la bienheureuse Vierge qui
tenait son manteau ouvert ; sous ce manteau, la sainte aperçut grand nombre de bêtes
féroces de différentes espèces, tels que léopards, lions, ours ; elle remarqua que Marie,
loin de les chasser, les recevait avec bonté et les caressait de sa douce main. Gertrude
comprit que ces bêtes féroces sont les malheureux pécheurs, que Marie accueille avec
amour quand ils ont recours à elle.
Saint Bernard avait donc bien raison de dire à Marie : Auguste Souveraine,
jamais vous ne repoussez un pécheur, si souillé et abominable soit-il, s'il se réfugie auprès de vous ;
dès qu'il implore votre secours, vous ne dédaignez pas d'étendre votre main miséricordieuse
pour le retirer de l'abîme du désespoir. O aimable Marie ! béni et remercié soit à jamais le
Seigneur qui vous a faite si douce et si bonne, même envers les plus misérables pécheurs !
Malheureux celui qui ne vous aime pas, malheureux celui qui, pouvant implorer votre
pitié, ne met pas en vous sa confiance ! - Celui-là se perd, qui ne recourt pas à Marie.
Mais qui, après l'avoir fait, s'est jamais perdu ?
On lit dans l'Écriture que Booz perrnit à Ruth de ramasser les épis
tombés des mains des moissonneurs. Saint Bonaventure fait là-dessus cette réflexion : De même que Ruth
trouva grâce aux yeux de Booz, ainsi Marie a trouvé grâce aux yeux du Seigneur, qui lui a
permis de recueillir les épis échappés aux moissonneurs. Les moissonneurs sont les ouvriers
évangéliques, les missionnaires, les prédicateurs, les confesseurs, dont les travaux gagnent
chaque jour des âmes à Dieu. Mais il est des âmes rebelles et endurcies que, malgré tout
leur zèle, ils se voient forcés d'abandonner ; c'est le privilège exclusif de Marie d'empêcher,
par sa puissante intercession, que ces épis délaissés ne se perdent. Mais aussi, malheur aux
âmes qui résistent même à la main de cette douce glaneuse ! Assurément, elles resteront à
jamais perdues et maudites. Bienheureuses, au contraire, celles qui ont recours à une si
bonne Mère ! Il n'y a pas au monde, dit le pieux Louis de Blois, un pécheur tellement
désespéré et plongé dans la fange du vice, que Marie en ait horreur et le repousse : ah !
qu'il vienne seulement réclamer l'assistance de cette tendre Mère ; il verra si elle veut et
peut le réconcilier avec son divin Fils, et lui obtenir son pardon.
Ce n'est donc pas à tort, ô ma très douce Souveraine, que saint Jean Damascène vous
salue l'Espérance des désespérés, que saint Laurent Justinien vous proclame l'Espérance
des coupables, saint Augustin, l'unique Ressource des pécheurs, saint Ephrem, le Port
assuré des naufragés. Le même saint pousse la hardiesse jusqu'à vous appeler la
Protectrice des damnés. C'est avec raison enfin que saint Bernard exhorte les désespérés
eux-mêmes à ne pas désespérer ; et plein de joie et de tendresse envers sa Mère chérie, il
lui dit amoureusement : Vierge sainte ! qui donc n'aura pas confiance en vous, si vous
secourez même les désespérés ? Je ne doute nullement, ajoute-t-il, qu'à la seule condition
de réclamer votre secours, nous n'obtenions tout ce que nous voudrons ; celui donc qui n'a
plus d'espoir, doit encore espérer en vous.
Saint Antonin raconte qu'un homme qui vivait dans la disgrâce de Dieu,
eut un jour une vision dans laquelle il lui sembla se trouver au tribunal de Jésus Christ ; le démon
présenta le dossier de ses péchés, lesquels, mis dans la balance de la justice divine, l'emportèrent de
beaucoup sur toutes ses bonnes oeuvres. Que fit alors sa puissante
Avocate ? elle étendit sa
douce main et l'appuya sur l'autre bassin de la balance, qu'elle fit pencher en faveur de son
client. Par là, elle lui donnait à entendre qu'elle lui obtiendrait son pardon, s'il voulait
changer de vie - et, en effet, après cette vision, le pécheur se convertit et vécut en bon
chrétien.
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