| Chapitre
                        9 
                          Ô
                        CLÉMENTE, Ô MISÉRICORDIEUSE
                         Combien sont grandes la clémence 
                        et la bonté de Marie Pour exprimer la merveilleuse bonté de Marie 
                        envers nous, pauvres enfants d'Ève, saint Bernard l'appelle la véritable " terre promise où coulent le lait et le
                        miel ". 
                        Selon saint Léon, on devrait la nommer, non pas simplement Reine miséricordieuse, 
                        mais la miséricorde en personne, tellement ses entrailles maternelles surabondent de 
                        tendresse. Telle était également la pensée de saint Bonaventure. Voyant d'un côté Marie 
                        devenue Mère de Dieu en faveur des malheureux et investie de l'office de leur départir les
                        grâces ; songeant d'un autre côté à sa 
                        vive sollicitude pour eux tous, et à l'extrême compassion 
                        qu'elle leur porte, et qui semble ne lui plus laisser qu'un désir, celui de subvenir à leurs 
                        besoins ; le saint disait qu y en présence de la bienheureuse Vierge, il oubliait presque la 
                        justice divine, pour ne plus voir que la divine miséricorde dont elle est toute remplie. Voici 
                        ce passage plein d'onction : " Oui, auguste Souveraine, quand je vous regarde, je ne vois 
                        plus que miséricorde ; car c'est pour les misérables que Dieu vous a faite sa Mère et vous a 
                        confié la charge de faire miséricorde ; il n'est pas une misère qui vous trouve indifférente ;
                        vous êtes tout enveloppée de miséricorde ; vous semblez n'avoir à coeur que de faire 
                        miséricorde. " Telle est, en un mot, la bonté du coeur compatissant de Marie, que, selon le mot de 
                        l'abbé Guéric, il ne peut cesser un instant de produire pour nous des fruits de bonté. Eh ! s'écrie 
                        saint Bernard, que pourrait-il jaillir d'une source de bonté, sinon de la bonté ? Voilà pourquoi Marie elle-même se dit : Pareille à un bel olivier qui croît dans les champs. 
                        De l'olivier il ne sort que de l'huile, symbole de miséricorde ; et des mains de Marie il ne 
                        tombe que grâces et miséricordes. On pourrait donc, avec le vénérable Louis du Pont, 
                        appeler le coeur de Marie la source de l'huile, puisqu'il est la source de miséricorde. Ainsi, 
                        lorsque nous recourons à cette tendre Mère pour lui demander l'huile de sa bonté, nous 
                        n'avons pas à craindre qu'elle ne nous réponde par un refus, comme firent les vierges 
                        prudentes aux vierges folles, en alléguant l'insuffisance de leur provision. Non, l'huile de 
                        miséricorde ne saurait lui manquer ; car elle en est toute remplie, selon la remarque de 
                        saint Bonaventure. Aussi la sainte Église la proclame-t-elle, non pas seulement Vierge 
                        prudente, mais Vierge très prudente ; c'est nous donner à entendre, dit Hugues de Saint-Victor, 
                        qu'elle est assez riche de grâce et de bonté pour nous en pourvoir tous 
                        abondamment, sans courir le risque de la voir jamais s'épuiser : " O pleine de grâce, vous 
                        en êtes tellement pleine, que le monde entier peut aller puiser en vous et s'enrichir de votre 
                        surabondance ; les vierges prudentes prirent de l'huile dans leurs vases pour entretenir 
                        leurs lampes ; mais vous, qui êtes la Vierge très prudente, vous avez pris avec vous un 
                        vase inépuisable, et d'où l'huile de la miséricorde déborde et suffit à tenir enflammées les 
                        lampes de tous les mortels ". Mais pourquoi, dans le texte que nous expliquons, est-il dit de ce bel olivier qu'il se 
                        trouve au milieu des champs ? Pourquoi pas plutôt dans un jardin entouré de murs ou de
                        haies ? C'est, répond Hugues de Saint-Victor, afin que tous puissent aisément le voir et 
                        s'en approcher, pour en obtenir le remède dont ils ont besoin. - Saint Antonin confirme cette belle pensée. " Quand un olivier 
                        est exposé dans un champ ouvert à tout le monde, observe-t-il, chacun peut aller en cueillir les fruits ; ainsi en est-il 
                        de Marie : tous les hommes, justes et pécheurs, peuvent recourir à elle pour avoir part à ses 
                        bontés ". " Oh ! continue le saint, combien de sentences, de châtiments, la bienheureuse Vierge a su 
                        faire révoquer par ses charitables prières, en faveur des pécheurs qui ont eu recours à elle
                        " ! -  "
                        Et 
                        quel refuge plus assuré pour nous que le sein compatissant de
                        Marie ? Là, le pauvre a 
                        un asile, le malade y puise des remèdes et l'affligé des consolations ; dans la perplexité on y 
                        trouve des conseils, et dans le délaissement un appui ". Ainsi parle le dévot Thomas a
                        Kempis. Que nous serions à plaindre, si nous n'avions pas cette Mère de miséricorde, si attentive et 
                        si empressée à nous secourir dans nos misères ! Où la femme manque, dit l'Esprit-Saint, 
                        l'indigent souffre et gémit. Par cette femme, saint Jean Damascène entend Marie, sans 
                        laquelle nous sommes tous infirmes et souffrants. C'est bien dit, car, Dieu ayant décrété 
                        qu'aucune grâce ne s'accordera qu'à la prière de Marie, là où cette prière n'intervient pas, il 
                        n'est nul espoir de miséricorde ; ainsi le Seigneur lui-même l'a-t-il déclaré à sainte Brigitte. Mais qui
                        sait ? peut-être Marie ne voit pas nos misères, ou les voit sans compassion. 
                        Gardons-nous de cette pensée : bien mieux que nous-mêmes elle les voit et elle est loin d'y 
                        être insensible. " Entre tous les saints, il n'en est aucun qui compatisse comme elle à nos 
                        maux ", dit saint Antonin. Aussi, " partout où elle aperçoit des souffrances, elle y court 
                        avec les remèdes de sa grande miséricorde ". Cette pensée de Richard de Saint-Laurent est 
                        confirmée en ces termes par Mendoza : " Oui, ô Vierge bénie et notre Mère, vous répandez 
                        à pleines mains vos bienfaits là où vous rencontrez nos besoins ".
                        - Et ce charitable office, 
                        notre bonne Mère ne cessera jamais de le remplir ; c'est elle qui nous l'assure
                        ; Je ne cesserai 
                        jusqu'au siècle futur, de remplir mon ministère en présence du Seigneur dans la sainte 
                        demeure. Paroles que le cardinal Hugues commente ainsi : " Je ne cesserai pas, jusqu'à la 
                        fin du monde, de secourir les hommes dans leurs besoins, et de prier pour les pécheurs, 
                        afin qu'ils se sauvent et qu'ils soient préservés du malheur éternel ". Au rapport de Suétone, l'empereur Titus était si désireux d'accorder ses faveurs à qui les 
                        lui demandait, que, si parfois il n'avait pas eu l'occasion d'accorde quelque grâce, il disait 
                        tout contristé : Diem perdidi, ce jour est un jour perdu pour moi, puisque je l'ai passé sans 
                        faire de bien à personne. - Vraisemblablement, Titus parlait ainsi plus par vanité, ou par 
                        une recherche ambitieuse de l'estime du monde, que par un sentiment d'humanité. Il n'en 
                        est pas ainsi de notre Reine Marie. Si jamais un de ses jours se passait sans être signalé par 
                        aucun bienfait, elle dirait aussi : J'ai perdu ma journée ; mais elle le dirait uniquement parce 
                        qu'elle est pleine de charité et animée du désir de nous faire du bien. Ce désir va si loin 
                        que, selon Bernardin de Bustis, il surpasse notre avidité à recevoir ses bienfaits. Aussi, 
                        ajoute le même, jamais nous ne recourrons à elle sans lui trouver les mains pleines de 
                        miséricorde et de libéralité. Marie a été figurée par Rébecca, dont on sait l'histoire. Comme le serviteur 
                        d'Abraham lui demandait un peu d'eau à boire : Buvez, Seigneur, lui répondit-elle ; de plus je vais 
                        puiser de l'eau en assez grande quantité pour abreuver tous vos chameaux. Ce trait inspire au 
                        dévot saint Bernard les paroles suivantes qu'il adresse à la Vierge : Auguste Reine, le 
                        vaisseau de vos miséricordes déborde de toutes parts ; versez donc, non seulement au 
                        serviteur d'Abraham, mais aussi à ses chameaux. C'est-à-dire : Vous êtes pleine de bonté 
                        et plus libérale que Rébecca ; aussi, non contente de faire sentir les effets de votre immense 
                        miséricorde au serviteur d'Abraham, qui représente les fidèles serviteurs de Dieu, vous en 
                        faites encore part aux bêtes de somme, qui sont la figure des pécheurs. D'un autre côté, 
                        Rébecca donna plus qu'on ne lui demandait, et Marie donne toujours plus qu'on ne lui 
                        demande. La libéralité de Marie, dit Richard de Saint-Laurent, ressemble à celle de son 
                        Fils, dont les largesses vont toujours au-delà de nos requêtes, et qui, pour cette raison, est 
                        appelé par saint Paul un Dieu riche de grâces, et prodigue de ses dons à l'égard de tous 
                        ceux qui le prient. De là cette prière d'un pieux auteur à Marie :
                        " Vierge sainte, daignez 
                        prier vous-même pour moi ; car vous solliciterez les grâces pour moi avec bien
                        plus de 
                        dévotion que je ne saurais le faire, et vous m'obtiendrez beaucoup plus que je ne saurais 
                        demander ". Les Samaritains ayant refusé de recevoir Jésus-Christ et sa doctrine, saint Jacques 
                        et saint Jean dirent au divin Maître : " Seigneur, voulez-vous que nous commandions au feu du ciel 
                        de descendre sur eux et de les dévorer " ? Mais le Sauveur répondit : Vous ne savez pas 
                        de quel esprit vous êtes. C'est-à-dire : Mon esprit n'est que miséricorde et douceur ; car je 
                        suis venu du ciel pour sauver les pécheurs, et non pour les punir ; et vous demandez leur 
                        perte ? Quoi ! du feu, des châtiments ! taisez-vous, ne me parlez plus de châtiments ; ce 
                        n'est pas là mon esprit. Or, l'esprit de Marie étant entièrement conforme à celui de son Fils, 
                        nous ne pouvons douter de son inclination à user de
                        miséricorde ; elle-même disait un jour 
                        à sainte Brigitte : " On m'appelle la Mère de miséricorde ; c'est avec raison, ma fille, car la 
                        miséricorde de mon Fils m'a rendue compatissante et douce envers tout le
                        monde ". C'est 
                        dans ce sens que saint Bernard interprète la vision où Marie fut montrée à saint Jean 
                        revêtue du soleil : " Céleste Reine, dit le saint Docteur, vous revêtez le soleil, et le soleil 
                        vous revêt "  ;
                        vous avez revêtu le Verbe divin de la chair humaine, et à son tour il vous a 
                        revêtue de sa puissance et de sa miséricorde. Cette Reine est donc si clémente et si bonne que, quand un pécheur 
                        vient réclamer son assistance, elle ne commence point par examiner ses mérites, assure le même saint, 
                        ni s'il est digne ou non d'être exaucé ; mais elle exauce et secourt quiconque se présente. Voilà 
                        pourquoi, remarque saint Hildebert, elle est dite belle comme la lune. Elle éclaire et aide 
                        les plus indignes pécheurs, comme cet astre répand ici-bas sa douce et bienfaisante lumière 
                        sur les êtres les plus vils. D'autre part, bien que la lune emprunte au soleil toute sa lumière, 
                        elle la distribue en bien moins de temps que lui ne distribue la sienne : ce qu'il fait en un an, 
                        remarque un auteur, elle le fait en un mois. Et, selon saint Anselme, nous obtenons parfois 
                        plus promptement le secours du ciel en invoquant le nom de Marie qu'en invoquant le nom 
                        de Jésus. Hugues de Saint-Victor ajoute que, si nos péchés nous font craindre de nous 
                        approcher de Dieu, Majesté infinie et offensée par nous, du moins nous ne devons pas 
                        hésiter d'aller à Marie, en qui nous ne trouvons rien de redoutable. Sans doute, elle est 
                        sainte, elle est immaculée, elle est Reine de l'univers, elle est Mère de Dieu ; mais enfin elle 
                        est revêtue de la même chair que nous ; comme nous elle est enfant d'Adam. En un mot, dit saint Bernard, en Marie tout est grâce et bonté ;
                        comme Mère de 
                        miséricorde, elle se fait tout à tous  ;
                        et, dans sa grande charité, elle s'est rendue débitrice à 
                        l'égard des justes et des pécheurs ; elle ouvre à tous le sein de sa miséricorde, afin que tous 
                        viennent y puiser. De même donc que le démon rôde sans cesse, cherchant quelqu'un à qui 
                        il puisse donner la mort, ou, selon le mot de saint Pierre, qu'il puisse dévorer, ainsi, 
                        remarque Bernardin de Bustis, Marie est sans cesse à la recherche d'âmes à qui elle puisse, 
                        au contraire, donner la vie et le salut. Nous devons d'ailleurs être persuadés avec saint Germain que la protection 
                        de Marie est plus étendue et plus puissante que nous ne pouvons l'imaginer. " Et d'où vient, demande 
                        le Père Pelbart, que le Seigneur, qui, dans l'ancienne loi, punissait avec tant de rigueur les 
                        moindres fautes, use à présent de tant de miséricorde envers les plus grands coupables ? 
                        Dieu le fait, répond-il, pour l'amour de Marie et en considération de ses mérites ". Ah ! 
                        s'écrie saint Fulgence, depuis combien de temps le monde ne serait-il pas abîmé, si Marie 
                        ne l'avait soutenu par son intercession. Mais nous pouvons, dit Arnauld de Chartres, nous 
                        présenter à Dieu avec assurance et en espérer tous les biens, maintenant que le Fils est 
                        notre Médiateur auprès du Père, et que la Mère intercède pour nous auprès du Fils. En 
                        effet, comment le Père n'exaucerait-il pas son Fils, lui montrant les plaies qu'il a souffertes 
                        pour les pécheurs ? Et comment le Fils n'exaucerait-il pas sa Mère, lui montrant le sein qui 
                        l'a nourri ? Et saint Pierre Chrysologue assure, avec une énergie remarquable, que cette 
                        Vierge unique, ayant logé le Seigneur dans son chaste sein, en exige, pour prix de 
                        l'hospitalité qu'elle lui a donnée, la paix du monde, le salut de ceux qui étaient perdus, et la 
                        vie de ceux qui étaient morts. Oh ! s'écrie l'abbé de Celles, combien de pécheurs qui méritaient d'être condamnés 
                        par la justice de Dieu, sont sauvés par la miséricorde de Marie ! Car elle est le trésor de Dieu 
                        et la trésorière de toutes les grâces ; de sorte que notre salut est entre ses mains. Recourons 
                        donc toujours à cette auguste Mère de miséricorde, avec le ferme espoir d'être sauvés par 
                        son intercession ; car elle est, comme l'appelle Bernardin de Bustis, notre salut, notre vie, 
                        notre espérance, notre conseil, notre refuge, notre secours. Selon saint Antonin, Marie est 
                        ce trône de la grâce devant lequel l'Apôtre nous exhorte à nous présenter avec confiance, 
                        afin d'obtenir la divine miséricorde et tous les secours nécessaires à notre salut. Et sainte 
                        Catherine de Sienne avait coutume de l'appeler " la dispensatrice de la divine 
                        miséricorde ". Concluons par la belle et touchante exclamation de saint Bernard sur ces 
                        paroles : " O clémente, ô bonne, ô douce Vierge Marie
                        " ! Voici comment il 
                        s'exprime : " O Marie ! vous êtes clémente envers les misérables, bonne envers ceux qui vous prient, 
                        douce envers ceux qui vous aiment. Vous êtes clémente envers les pénitents, bonne envers ceux qui font 
                        des progrès, douce envers ceux qui sont arrivés à la perfection. Vous montrez votre 
                        clémence en nous préservant des châtiments, votre bonté en nous dispensant les grâces, 
                        votre douceur en vous donnant à ceux qui vous cherchent ". |