Le Saint Rosaire
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Livre Quatrième

LE SACREMENT DE L'EUCHARISTIE

Exhortation à la sainte communion

Venez à moi, vous tous qui succombez sous votre fardeau, et moi, je vous soulagerai (Mt. 11,28).
Le pain que vous recevrez de moi, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde (Jean 6,51).
Prenez et mangez: ceci est mon corps qui va être offert pour vous. Faites ceci en mémoire de moi (Luc 22,19; 1 Cor. 11,24).

Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui (Jean 6,56).

Les paroles que je vous ai dites sont des paroles d'esprit et de vie (Jean 6,63).

Chapitre 1

LE RESPECT AVEC LEQUEL
IL FAUT RECEVOIR JÉSUS CHRIST

1. Ce sont là tes paroles mêmes, ô Jésus, sagesse éternelle, bien qu'elles n'aient pas été dites ni écrites simultanément. Et puisqu'elles viennent de toi, elles sont toute vérité et je dois les accepter avec foi et gratitude.
Elles t'appartiennent, car c'est toi qui les as prononcées, mais elles m'appartiennent aussi puisque c'est pour mon salut que tu les as dites. C'est donc avec joie que je les reçois de ta bouche, afin qu'elles se gravent toujours plus profondément dans mon cœur.

Ces paroles m'encouragent par la tendresse et l'amour qu'elles contiennent, mais le souvenir de mes fautes m'effraye, et ma conscience impure m'éloigne de ton saint Mystère. Je suis attiré par la douceur de ta voix et retenu par le poids de mes péchés.

2. Tu me demandes de venir à toi avec confiance si je veux partager ta gloire, et de me nourrir du pain de vie si je veux être sauvé. Venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine et qui succombez sous votre fardeau, et je vous soulagerai (Mt. 11,28).
Quelle parole douce et encourageante pour un pécheur! Tu invites, Seigneur mon Dieu, les pauvres el les indigents à posséder ton corps sacré. Mais qui suis-je, Seigneur, pour mériter de m'approcher de toi? Voilà que les cieux des cieux ne peuvent te contenir (1 Rois 8,27) et tu dis: Venez tous à moi!

3. Pourquoi cette miséricordieuse complaisance, cette invitation si merveilleuse? Comment oserais-je m'avancer vers toi, moi qui ne suis capable d'aucun bien? Comment pourrais-je t'introduire dans ma maison, moi qui t'ai si souvent fourni des motifs de tristesse?
Les anges et les archanges se prosternent devant toi, les saints et les justes tremblent, et tu dis: Venez tous à moi! Si ce n'était ta voix, Seigneur, qui parlait, qui aurait l'audace d'obéir et de se placer près de toi?

4. Noé passa cent années à construire l'arche qui devait lui permettre d'échapper à la colère divine. Comment parviendrais-je en une heure à me préparer à recevoir dignement le Créateur du monde?
Moïse, ton ami et fidèle serviteur, ne voulut déposer les tables de la Loi que dans une arche, faite de bois précieux recouvert d'or pur; et moi qui ne suis que poussière, où trouverais-je le courage d'accueillir dans ma demeure la Source de toute vie?

Salomon, le plus sage des rois d'Israël, mit sept ans à élever un temple magnifique à la gloire de ton nom; il célébra pendant huit jours la fête de sa dédicace, offrit mille victimes, et au son des trompettes, au milieu des cris de joie plaça solennellement l'arche d'alliance dans le lieu qui lui était préparé, et tu vas venir me visiter dans mon dénuement, moi pauvre homme misérable, qui parviens à peine à consacrer une heure entière à la prière?

5. O mon Dieu, jusqu'où n'ont pas été ces saints pour te plaire, et combien ce que je fais, hélas, est peu de chose! Comme je sais mal me préparer à la communion et comme je montre peu de recueillement! Car en ta divine présence, nulle pensée étrangère à toi ne devrait se présenter à moi, nulle distraction ne devrait m'effleurer. N'est-ce pas le Maître de l'univers qui va devenir mon hôte?

6. Quelle distance infinie entre l'arche d'alliance et ce qu'elle renfermait, et ton corps très pur, porteur de vertus indestructibles; entre les sacrifices de la loi, figures du sacrifice à venir, et la véritable hostie de ton corps, accomplissement de tous les anciens sacrifices!

7. Pourquoi un amour plus immense encore n'embrase-t-il pas mon âme lorsque je m'approche de toi? Pourquoi suis-je aussi indigne de recevoir tes saints mystères, alors que ces antiques patriarches, ces saints prophètes, ces rois et ces princes et tous leurs peuples avec eux ont montré tant de zèle à te servir?

8. Le roi David alla jusqu'à danser devant l'arche de Dieu pour célébrer les bienfaits accordés autrefois à ses pères; il inventa divers instruments de musique, composa des psaumes qu'il fit chanter dans l'allégresse et, inspiré par l'Esprit Saint, les chanta lui-même souvent sur la harpe; il apprit aux enfants d'Israël à louer Dieu de tout leur cœur et à unir chaque jour leurs voix pour le glorifier et le bénir.
Si la présence de l'arche de l'alliance inspirait un tel enthousiasme, une telle ferveur, quel respect et quel amour devrait alors m'inspirer, à moi et à tout le peuple chrétien, la présence de ce sacrement vivant et la réception du corps adorable du Christ?

9. Certains hommes passent leur temps à courir d'un endroit à l'autre pour voir les reliques des saints, à écouter avidement le récit de leurs vies, à visiter d'innombrables églises pour s'incliner avec respect devant leurs ossements pieusement conservés. Et durant ce temps, toi tu restes exposé, mais délaissé, sur l'autel, ô mon Dieu, toi le Saint des saints, le créateur des hommes, le roi des anges!
C'est parfois la curiosité, le désir de découvrir des choses nouvelles qui font entreprendre ces pèlerinages dont on ne retire aucun enrichissement, car on n'est pas guidé par un véritable esprit de contrition. Mais ici, dans le sacrement de l'autel, tu es présent tout entier, ô Christ Jésus, vrai Dieu et vrai homme, et on peut recueillir en abondance les fruits du salut éternel toutes les fois qu'on te reçoit dignement et avec humilité.

Ce qui attire alors vers toi, ce n'est plus une vaine curiosité, mais une foi solide, une espérance profonde, une charité sincère.

10. O mon Dieu, créateur invisible du monde, que ta conduite envers nous est admirable! Quelle bonté, quelle tendresse tu manifestes à l'égard de tes élus en te donnant à eux pour nourriture dans ce sacrement! Cela dépasse toute intelligence et emplit de reconnaissance le cœur de tes créatures. Car tes vrais fidèles, ceux dont toute la vie est un cheminement vers la perfection, puisent dans la fréquente réception de ce très saint sacrement une grande force et un puissant attachement au bien.

11. O grâce magnifique et cachée du sacrement! Tu es seulement connue des fidèles serviteurs de Jésus Christ, alors que les autres se voient privés de ce soutien merveilleux.
Ce sacrement fait accéder à la grâce de l'Esprit Saint, répare les forces de l'âme à qui il rend sa beauté première effacée par le péché. La puissance de cette grâce est telle qu'elle agit parfois, non seulement sur l'esprit, mais aussi sur le corps malade qui retrouve une vigueur nouvelle.

12. Et pourtant, nous devons déplorer notre tiédeur et notre négligence: nous désirons si peu recevoir Jésus Christ, lui qui est notre unique espérance, notre seule chance de salut et de rédemption, lui le compagnon de route des voyageurs sur la terre et l'éternelle joie des saints!
Oui, déplorons cet aveuglement et cette dureté du cœur humain qui reste insensible devant ce don ineffable, qui semble acquérir davantage de prix à mesure qu'on en use.

13. Si le très saint sacrifice n'était célébré que dans un seul endroit par un seul prêtre, dans le monde entier, avec quelle ardeur les hommes n'accourraient-ils pas vers ce lieu unique pour participer à la célébration des saints mystères? Or, il y a beaucoup de prêtres qui offrent le saint sacrifice en d'innombrables points du globe afin qu'éclate la miséricorde de Dieu envers les hommes.
Je te remercie, ô Seigneur Jésus, pasteur éternel, d'apporter le réconfort de ton corps et de ton sang précieux aux pauvres exilés que nous sommes, de nous inviter de ta propre bouche à participer à ton festin, disant: Venez à moi vous tous qui succombez sous votre fardeau, car moi, je vous soulagerai (Mt. 11,28).

Chapitre 2

DANS LE SACREMENT DE L'EUCHARISTIE
DIEU MANIFESTE A L'HOMME SA BONTÉ ET SON AMOUR

1. Seigneur, confiant dans ta bonté et ta grande miséricorde, je m'avance, malade, vers mon sauveur; affamé et altéré, vers la source de la vie; indigent, vers le roi du ciel; esclave, vers mon maître; créature, vers mon créateur; désolé, vers mon consolateur.
Mais comment puis-je mériter que tu t'approches de moi? Qui suis-je pour que tu te donnes à moi? Comment un pécheur ose-t-il se montrer devant toi? Et toi, tu daignes tendre la main à ce pécheur!
Tu connais ton serviteur et tu sais qu'il n'y a rien en lui qui le rende digne de cette grâce. J'avoue ma misère, je reconnais ton indulgence, je bénis ta clémence et je te rends grâces pour ton immense amour.
Tu agis ainsi dans ta toute puissance pour me faire mieux apprécier ta bonté, me remplir d'une plus grande gratitude et me donner une leçon de parfaite humilité. Et puisque cela te plaît et que tu l'as ordonné ainsi, je reçois avec joie la grâce que tu daignes m'accorder.

2. O Seigneur, quel culte perpétuel ne devrais-je pas rendre à ton corps sacré dont personne n'est jamais parvenu à exprimer la majesté?
Mais quelles seront mes pensées en communiant, en m'approchant de mon sauveur, que je ne puis révérer autant qu'il se devrait, et que pourtant je désire ardemment recevoir? Quelle autre attitude pourrais-je avoir que celle de m'humilier profondément devant toi et d'exalter ton infinie bonté pour moi? Je te bénis, mon Dieu, et je veux te louer sans cesse. Je ne suis rien et je me soumets à toi de toute mon âme.

3. Tu es le Saint des Saints, et moi, le dernier des pécheurs. Tu te penches vers moi qui ne suis même pas digne de lever les yeux vers toi. Tu viens à moi, tu veux être avec moi, tu m'invites à ton banquet, et tu veux me faire goûter à un aliment céleste, le pain des anges qui n'est autre que toi-même, ô pain vivant descendu du ciel pour donner la vie au monde (Jean 6,48,50,54).

4. C'est là que se trouve la source de ton amour et que réside le triomphe de ta miséricorde!
Quelle merveilleuse et salvatrice invention que d'avoir institué ce sacrement où, en un repas délicieux, tu t'offres toi-même en nourriture! Que ta façon d'agir est admirable, Seigneur! Combien immense est ta puissance et ineffable ta vérité! Tu as parlé et tout a été fait (Ps. 148,5), et rien n'a été fait que tu n'aies voulu.

5. C'est un prodige extraordinaire et qui dépasse toute compréhension humaine: toi, Seigneur mon Dieu, vrai Dieu et vrai homme, tu es contenu tout entier sous la moindre partie des espèces du pain et du vin; sans cesse renouvelé, tu deviens l'aliment de celui qui te reçoit.
Toi, le maître souverain de l'univers, qui n'as besoin de personne, tu as cependant voulu, par ton sacrement, venir habiter en nous: garde mon âme et mon corps à l'abri de toute souillure, afin que je puisse chaque jour participer à ces saints mystères avec la joie d'une conscience pure, et recevoir pour mon salut éternel ces dons que tu as institués afin que soit perpétué à jamais le souvenir de ton amour.

6. Réjouis-toi, mon âme, et rends grâce à Dieu d'avoir mis à ta disposition, dans cette vallée de larmes, un tel moyen de réconfort. Car toutes les fois que tu participes à ce mystère et reçois le corps du Christ, tu accomplis toi-même l'œuvre de ta rédemption en partageant les mérites du Christ.
L'amour de Jésus Christ est toujours le même, et la valeur de son sacrifice expiatoire ne diminue jamais. Tu dois donc toujours te préparer à la communion par une profonde méditation de ce grand mystère de salut.
Chaque fois que tu célèbres ou que tu assistes au saint sacrifice, fais en sorte qu'il te paraisse aussi grand, aussi nouveau, aussi digne d'amour que si à ce moment même, le Christ descendait sur terre pour s'incarner, ou que si, cloué à la croix, il souffrait et mourait à nouveau pour le rachat des hommes.

Chapitre 3

IL EST UTILE DE COMMUNIER SOUVENT

1. Je viens à toi, Seigneur, pour recevoir tes dons et participer à la joie du banquet sacré, que dans ta bonté, mon Dieu, tu as préparé pour le pauvre (Ps. 67,11).
Oui, c'est en toi que résident tous mes désirs; tu es mon salut et ma rédemption, mon espoir et ma force, mon bonheur et ma gloire. Emplis donc aujourd'hui d'allégresse l'âme de ton serviteur, car c'est vers toi, Seigneur Jésus, que j'ai élevé mon âme (Ps. 85,4).
Je veux à présent te recevoir avec respect et amour, t'introduire dans ma maison pour mériter d'être béni par toi comme le fut Zachée, et d'être compté parmi les enfants d'Abraham. Mon âme a faim de ton corps; mon cœur aspire à être uni à toi.

2. Donne-toi à moi et cela me suffira, car en dehors de toi, rien ne peut m'apporter de quoi me satisfaire. Je ne peux pas me passer de toi, et je ne peux pas vivre si tu te détournes de moi.
Il faut donc que je m'approche souvent de ta sainte table pour y trouver le remède à tous les maux; privé de cette céleste nourriture, je n'aurais pas la force de continuer ma route.
C'est ainsi, Jésus, que tu as dit un jour où tu prêchais aux foules et les guérissais de diverses infirmités: Je ne veux pas les renvoyer à jeun, de peur que les forces ne leur manquent sur le chemin (Mt. 15,32). Agis de la même manière avec moi, je t'en supplie, toi qui as voulu demeurer dans ce sacrement pour le soutien des fidèles; car tu es le pain de l'âme, et quiconque t'accueille dignement aura part à l'héritage de ta gloire éternelle.
Je suis souvent tenté, vaincu et découragé; il me faut donc me renouveler, me purifier, me redonner courage par la prière et des confessions fréquentes, par la réception de ton corps sacré.

3. Les penchants de l'homme l'inclinent au mal dès l'enfance (Gen. 8,21), et s'il n'est soutenu par ton aide divine, il tombe de plus en plus bas. La sainte communion le fait résister au mal et le pousse vers le bien.
Si je suis encore coupable de tant de négligences alors que je communie ou que je célèbre le saint sacrifice, qu'adviendrait-il alors si je me privais du plus puissant de tous les secours?
C'est pourquoi je m'efforcerai de communier le plus fréquemment possible, bien que je ne me trouve pas tous les jours dans les dispositions voulues. Car, le principal réconfort de l'âme fidèle, tant qu'elle est retenue loin de toi dans un corps mortel (2 Cor. 5,6), c'est de recevoir son Créateur dans la ferveur.

4. Combien est miséricordieux ton amour pour moi! toi, Seigneur, qui donnes l'existence et la vie à tous, tu daignes te pencher vers cette pauvre âme et la rassasier.
Heureux celui à qui il est donné de pouvoir te recevoir dignement, toi, son Seigneur et son Dieu, et d'atteindre à une joie parfaite par son union avec toi.
Qu'il est aimable, l'hôte qui entre dans sa maison! Qu'il est agréable, le compagnon qui se présente; qu'il est fidèle, l'ami qu'il accueille, et digne d'être aimé par-dessus tout!
Que le ciel et la terre fassent silence devant toi, car c'est de toi qu'ils tiennent toute gloire et toute beauté, et rien de cela ne parviendra jamais à égaler l'éclat de ton nom, toi, dont la sagesse est infinie (Ps. 146,5).

Chapitre 4

BIENFAITS D'UNE COMMUNION FERVENTE

1. Seigneur mon Dieu, prépare ton serviteur à mériter tes bénédictions, et à s'approcher avec dignité et ferveur du sacrement de ton amour.
Emplis mon cœur d'ardeur pour toi, afin que je m'éveille du profond sommeil où je languis. Viens me guérir afin que mon âme goûte à ta douceur qui est contenue dans ce sacrement comme dans sa source.

Eclaire aussi mon intelligence pour que je me pénètre mieux d'un si grand mystère, et accorde-moi pour y croire une foi inébranlable. Car, ce sacrement, c'est l'œuvre de ton amour et non celle de la puissance humaine; c'est ton institution sacrée et non une invention de l'homme. Aussi, ces choses dépassent de loin tout entendement humain. Comment donc, moi pécheur indigne, pourrais-je prétendre pénétrer un tel mystère?

2. Seigneur, c'est dans la simplicité de mon cœur et avec un désir sincère que, sur ta parole, je viens à toi, plein de confiance et de respect, convaincu de ta présence dans ce sacrement com me vrai Dieu et vrai homme.
Seigneur, tu veux que je te reçoive et que je m'unisse à toi par les liens de l'amour. Eh bien, j'invoque ta clémence et je te demande avec instance cette grâce particulière: que tout mon être se fonde en toi afin que, rayonnante d'amour, mon âme ne cherche plus aucun autre réconfort.
Car ce sublime sacrement, c'est le salut de l'âme et du corps, le remède à toute faiblesse spirituelle; il guérit mes défauts, réprime mes passions, apaise ou diminue mes tentations, augmente la grâce, accroît la vertu, affermit la foi, fortifie l'espérance, enflamme et intensifie la charité.

3. Que de bienfaits sans nombre tu as distribués et distribues encore par ce sacrement aux bien-aimés qui te reçoivent avec ferveur, ô mon Dieu, mon sauveur! Tu les secours dans leurs peines, tu les relèves dans leur détresse, tu les ranimes par le miracle d'une grâce sans cesse renouvelée, de sorte que ceux qui, avant la communion, se sentaient troublés et inquiets, n'éprouvent plus ensuite qu'apaisement et sérénité.
Tu agis ainsi avec tes élus, pour qu'ils aient pleinement conscience de leur faiblesse, et reconnaissent tout ce qu'ils doivent à ta bonté et à ta grâce. Ils étaient froids, durs, sans amour: tu les as rendus fervents, sensibles, pleins de charité.
Qui, en effet, s'approche humblement de la source de toute miséricorde et n'en rapporte pas un peu de douceur? Qui se tient près d'un grand feu et n'en ressent pas quelque chaleur? Et tu es, mon Dieu, cette source toujours féconde, ce feu toujours ardent et qui ne s'éteint jamais.

4. S'il ne m'est pas permis de puiser librement à cette source pour m'y désaltérer parfaitement, j'essaierai cependant d'en recueillir quelques gouttes pour apaiser ma soif, et de ne pas me laisser vaincre par la sécheresse du cœur.
Si je ne peux être encore tout enflammé comme les chérubins et les séraphins, je m'efforcerai du moins d'être plus fervent, et, te recevant avec foi et dévotion, de préparer mon cœur à une étincelle de ton brasier.

Jésus, mon sauveur, accorde-moi, par l'effet de ta bonté et de ta grâce, tout ce qui me manque. Toi qui as daigné appeler à toi tous les hommes, en disant: Venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine et qui ployez sous votre fardeau, et je vous soulagerai (Mt. 11,28).

5. Je travaille à la sueur de mon front, le cœur brisé de douleur, accablé par le poids de mes péchés, assailli par les tentations, agité par des passions mauvaises; et je ne trouve personne à mes côtés pour me secourir, pour me délivrer et me sauver, si ce n'est toi, Seigneur, mon Dieu.
Je remets entre tes mains toute ma personne et tout ce qui m'appartient: garde-moi et conduis-moi jusqu'à la vie éternelle. Accueille-moi pour l'honneur et la gloire de ton nom, toi qui m'as donné pour me nourrir ton corps et ton sang.
"Seigneur, mon Dieu, mon sauveur, fais que ma ferveur et mon amour croissent à chaque fois que je participerai à ce divin mystère" (Oraison de la Fête-Dieu).

Chapitre 5

PERFECTION DU SACREMENT DE L'AUTEL.
DIGNITÉ DU SACERDOCE

1. Même si tu atteignais à la pureté des anges ou à la sainteté de Jean-Baptiste, tu ne serais pas digne de recevoir ni d'administrer ce sacrement. Car le pouvoir de consacrer et d'offrir mon corps et de recevoir en nourriture le pain des anges ne dépend d'aucun mérite humain.
Quel mystère sublime, cette éminente dignité des prêtres, à qui est donné ce que n'ont pas obtenu les anges eux-mêmes! Car seuls les prêtres légitimement ordonnés dans l'Eglise ont la faculté de célébrer le saint sacrifice et de consacrer le corps de Jésus-Christ.
Le prêtre est le ministre de Dieu; il enseigne sa Parole comme il lui a été recommandé, mais c'est Dieu qui agit à travers lui, car tout lui est soumis et tout lui obéit.

2. Dans ce sublime sacrement, tu dois croire à la toute puissance de Dieu plus qu'à ce qui paraît à tes yeux; alors tu t'approcheras de l'autel avec crainte et respect.
Pense à ce que tu es, et considère Celui dont tu as été fait le serviteur par l'imposition des mains de l'évêque. Te voici prêtre, avec mission de célébrer les saints mystères. Efforce-toi donc toujours de te vouer au service du Seigneur avec une foi et un zèle profonds, et de te comporter d'une manière irréprochable.
Ton fardeau n'en sera pas pour autant allégé, bien au contraire; tu es à présent astreint à une discipline plus étroite, et tenu à une plus grande perfection, car le prêtre doit pratiquer toutes les vertus et donner aux autres l'exemple d'une bonne conduite.
Sa vie n'est pas avec le commun des hommes, mais avec les anges dans le ciel, et il ne doit plus suivre la voie ordinaire, mais celle des saints sur la terre.

3. Le prêtre revêtu des ornements sacrés remplace Jésus Christ en personne et c'est en son nom personnel et au nom de tous les fidèles qu'il élève ses prières vers Dieu.
Il porte sur lui le signe de la croix, qui lui rappelle toujours la Passion du Christ. Il porte devant lui la croix sur la chasuble pour penser constamment à suivre les traces de Jésus Christ. Il porte entre les épaules le signe de la croix afin de témoigner que c'est pour son Créateur qu'il endure tout le mal que peuvent lui faire les hommes.
Il porte la croix devant lui, afin de pleurer ses propres péchés; derrière lui, afin de pleurer aussi par compassion les péchés des autres, car il a reçu des fonctions de médiateur entre Dieu et les hommes pour qu'il ne cesse de prier et d'offrir la sainte Victime jusqu'à ce qu'il ait obtenu grâce et miséricorde.
En célébrant la sainte messe, le prêtre honore Dieu, fortifie l'Eglise, aide les vivants, procure le repos aux morts, et en retire lui-même à chaque fois un immense enrichissement.

Chapitre 6

PRÉPARATION A LA COMMUNION

1. Seigneur, lorsque je compare ta grandeur à ma faiblesse, je suis saisi de frayeur et je feste confondu. Car si je ne m'approche pas de toi, je renonce à la vie éternelle, et si je te reçois dans un état d'indignité, je commets un péché. Que faire donc, mon Dieu, mon protecteur, mon conseiller dans la détresse?

2. Montre-moi où est le droit chemin et donne-moi une méthode pour me préparer à la sainte communion; il m'importe de savoir avec quelle ferveur et quel respect je dois préparer mon cœur pour pouvoir profiter pleinement de ton sacrement, ou pour célébrer comme il convient un si grand et si divin sacrifice.

Chapitre 7

EXAMEN DE CONSCIENCE.
RÉSOLUTION POUR SE CORRIGER

1. C'est surtout avec une grande humilité de cœur, un profond respect, une foi entière et une grande pureté d'intentions que tu dois te disposer à célébrer les saints mystères, à distribuer ou à recevoir mon saint corps.
Examine avec soin ta conscience et, autant que tu le peux, libère-la de ses fautes par une vraie contrition et une humble confession, de sorte que plus rien ne te pèse, rien ne te trouble ni t'empêche de venir librement à moi.
Aie un grand regret de tous tes péchés en général; déplore en particulier tes fautes quotidiennes, et confesse à Dieu, dans le secret de ton âme, toutes les misères où tu te laisses entraîner par tes passions.

2. Que la honte d'être encore sous l'empire de la chair et du monde ne te quitte pas.
Ne cesse pas de déplorer ta négligence, le peu de résistance que tu opposes à la séduction de ce qui veut t'entraîner à l'extérieur de ta véritable vie.
Reproche-toi toujours d'être:
- si facilement porté au rire et à la dissipation et si peu enclin à la méditation;
- si prompt à céder aux instincts de la chair et si lent à obéir à la parole de Dieu;
- si curieux d'apprendre les dernières nouvelles et si réfractaire aux tâches humbles et simples;
- si avide de posséder et si avare quand il s'agit de donner;
- si inconsidéré dans tes discours et si peu réflechi dans tes actions;
- si attentif à ne pas manquer l'heure des repas, et si sourd à la parole de Dieu;
- si aimant du repos et si paresseux au travail;
- si éveillé pour les lectures profanes et si endormi pour la méditation.
Reproche-toi aussi d'être:
- si distrait au cours des prières;
- si tiède à la sainte messe et au moment de la communion;
- si prompt à blesser les autres;
- si disposé à la médisance;
- si sévère à reprendre autrui.
Reconnais que tu te laisses facilement emporter par la colère et abattre par l'adversité, alors que tu te montres joyeux aux heures de prospérité, et que tu prends de nombreuses résolutions que tu ne tiens pas.

3. Après avoir confessé avec un profond repentir toutes ces fautes et d'autres encore peut-être, engage-toi à améliorer ta vie chaque jour, et à progresser dans le bien.
Puis, avec une entière résignation et sans aucune réserve, offre-toi, dans le secret de ton cœur, en holocauste perpétuel, en l'honneur de mon nom, me remettant entièrement ton corps et ton âme. Ainsi, tu te rendras plus digne d'offrir à Dieu le saint sacrifice, et de recevoir avec fruit le sacrement de mon corps.

4. Il n'y a pas d'offrande plus méritoire, ni de satisfaction meilleure pour les pécheurs que de se consacrer totalement en union avec le corps de Jésus Christ dans la messe et dans la communion.
Si l'homme accomplit les progrès dont il est capable et s'il s'approche de moi en toute humilité pour demander grâce et miséricorde, voici ma promesse dit le Seigneur: Je ne veux pas qu'il meure, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Je ne me souviendrai plus de ses péchés, et tout lui sera pardonné (Ezéch. 18,21-22).

Chapitre 8

OBLATION DE JÉSUS CHRIST SUR LA CROIX
ET OFFRANDE DE SOI-MÊME

1. De même que je me suis offert volontairement à mon Père pour l'expiation de tes péchés, les bras étendus sur la croix, dans le dénuement le plus complet, dans le seul but de ta réconciliation avec Dieu, de même tu dois tous les jours, dans le sacrifice de la messe, t'offrir à moi comme une hostie pure et sainte, du plus profond de ton cœur et avec toute la force dont dispose ton âme.
Ce que je te demande, c'est surtout de t'abandonner parfaitement à moi. En effet, tout ce que tu me donnes en dehors de toi ne m'est rien, car c'est toi-même que je veux.

2. Tous les biens que tu pourrais posséder sans moi ne sauraient te combler: ainsi, tout ce que tu pourrais me donner ne saurait me satisfaire sans le don de ta personne.
Donne-toi à moi, donne-toi entièrement à cause de Dieu, et de cette manière, tu deviendras agréable à mes yeux.
Je me suis livré tout entier à mon Père pour toi, je t'ai offert mon corps et mon sang en nourriture, afin de t'appartenir à jamais. Mais si tu demeures fermé sur toi-même et si tu refuses de t'abandonner sans réserve à ma volonté, ton oblation ne sera pas totale, et l'union entre nous restera imparfaite. L'oblation volontaire de toi-même entre les mains de Dieu doit donc précéder toutes tes actions si tu veux obtenir grâce et liberté.
S'il n'existe que peu d'hommes à qui j'ai accordé ma lumière et ma paix, c'est que les autres ne savent pas renoncer entièrement à eux-mêmes.
Je l'ai dit et ma parole est éternelle: Celui qui ne renonce pas à tout ne peut être mon disciple (Luc 14,33).

Chapitre 9

S'OFFRIR SOI-MÊME A DIEU.
LUI OFFRIR TOUT. PRIER POUR TOUS

1. Seigneur, à qui tout appartient dans le ciel et sur la terre: je veux me donner à toi par une offrande volontaire, et je veux être à toi pour toujours.
Seigneur, dans la simplicité de mon cœur, je me donne à toi aujourd'hui, pour être ton serviteur à jamais, hommage et sacrifice perpétuels à ta gloire. Prends-moi mêlé à l'offrande de ton précieux corps que je t'offre en présence des anges qui assistent à ce sacrifice: qu'elle serve à mon salut et à celui de tout le peuple chrétien.

2. Seigneur, je te donne tous les péchés, tous les crimes que j'ai commis devant toi et devant tes saints depuis le jour de ma première faute jusqu'à ce moment; je les place sur ton autel expiatoire afin que tu les fasses disparaître sous le feu de ton amour, que tu effaces toutes les taches, que tu purifies ma conscience de toute souillure, et que tu me rendes la grâce perdue en m'accordant ton pardon.

3. Que puis-je faire pour expier mes péchés, sinon les confesser humblement, avec douleur, et prier sans cesse pour implorer ta miséricorde? Je t'en supplie, exauce-moi et sois clément pour moi lorsque je me présenterai devant toi, mon Dieu.
Ma conduite passée me fait horreur et je suis résolu à m'en détourner. Elle m'afflige profondément et je suis prêt à faire pénitence toute ma vie pour me débarrasser de ce poids.
Pardonne-moi, Seigneur, pardonne-moi mes péchés pour la gloire de ton saint nom; sauve mon âme, que tu as rachetée au prix de ton précieux sang. Vois, je me confie à ta miséricorde, je me remets entre tes mains: traite-moi à la mesure de ta bonté et non à la mesure de mon indignité.

4. Je t'offre aussi toutes mes bonnes actions, si rares et imparfaites soient-elles; purifie-les, sanctifie-les afin de leur donner plus de valeur, et conduis-moi, pauvre homme que je suis, à une fin heureuse et glorieuse.

5. Je t'offre encore tous les souhaits des plus saints sur la terre, les désirs et les besoins de mes parents, amis, frères, sœurs, de tous ceux qui me sont chers, de ceux qui m'ont fait ou ont fait à d'autres quelque bien en ton nom, de ceux qui m'ont demandé de prier ou d'offrir le saint sacrifice.
Que tous éprouvent le secours de ta grâce, la joie de ton réconfort; qu'à tous soit accordée la protection contre les périls, la délivrance de leurs peines; qu'affranchis de tous les maux, ils te rendent, dans l'allégresse, d'éclatantes actions de grâces.

6. Je t'offre mes prières et l'hostie de paix spécialement pour ceux qui m'ont offensé en quoi que ce soit, qui m'ont rabaissé, blâmé, qui m'ont fait subir quelque injustice ou quelque dommage, pour tous ceux aussi que j'ai moi-même affligés, blessés, troublés ou scandalisés par des paroles ou par des actes consciemment ou inconsciemment.
Pardonne-nous tous nos péchés et nos offenses mutuelles. Libère nos cœurs, Seigneur, de tout soupçon, de toute rancune, de toute colère, de toute jalousie, de tout ce qui peut porter atteinte à la charité et à notre amour fraternel.

Aie pitié, Seigneur, de ceux qui implorent ta miséricorde. Envoie-nous ta grâce pour soulager notre indigence et rends-nous capables de savoir l'utiliser ici-bas, afin que nous parvenions à la vie éternelle. Amen.

Chapitre 10

NE PAS NÉGLIGER LA SAINTE COMMUNION

1. Il faut puiser souvent à la source de la grâce et de la divine miséricorde, à la source de toute bonté et de toute pureté, afin de te guérir de tes passions et de tes vices,de te rendre plus vigilant et plus fort contre les tentations et les ruses du démon. Car celui-ci, connaissant la force de la sainte communion et la puissance du remède qu'y trouvent les fidèles, s'efforce, en toute occasion et par tous les moyens, de les en éloigner.

2. En effet, c'est au moment où ils se disposent à recevoir le corps de Jésus qu'ils éprouvent les plus violentes attaques de la part de Satan. Cet esprit du mal, comme il est écrit dans le livre de Job, se glisse parmi les enfants de Dieu avec sa perversité coutumière pour les troubler, leur inspirer des craintes et des doutes, pour affaiblir leur amour, ébranler leur foi, afin de diminuer leur ferveur et de leur faire abandonner la sainte communion.
Ainsi, il ne faut prêter attention à aucune de ces suggestions et surtout ne pas renoncer à s'approcher de la sainte table.

3. On se prive aussi parfois de communier parce qu'on ne s'estime pas assez fervent, ou parce que l'on éprouve des inquiétudes au sujet de la confession.
Suis donc les conseils des personnes sages et bannis de ton cœur toute anxiété et tout scrupule, car ils sont un obstacle à la grâce de Dieu et détruisent la ferveur de l'âme.
Ne te détourne pas de la sainte communion lorsque tu ressens quelque trouble ou quelque embarras, mais confesse-toi au plus tôt, et pardonne sincèrement toutes les offenses qu'on t'a faites. Et si tu as, toi-même, offensé quelqu'un, demande-lui humblement son pardon, et Dieu t'accordera le sien.

4. Pourquoi tarder à te confesser, et différer la sainte communion? Purifie-toi au plus tôt, délivre-toi du poison qui te ronge sans plus attendre: tu t'en trouveras beaucoup mieux.
Si tu recules aujourd'hui pour un motif quelconque, il s'en présentera peut-être demain un autre plus grave et tu pourras ainsi être sans cesse écarté de la communion, perdant au fur et à mesure tes bonnes dispositions.
N'hésite pas plus longtemps à te décharger du fardeau qui te pèse, car tu ne gagneras rien à demeurer ainsi dans l'angoisse, et à te laisser priver des saints mystères par des obstacles quotidiens.
Il est très nuisible de différer souvent la communion, car cela entraîne un profond assoupissement de l'âme.
Hélas! combien, dans leur lâcheté, saisissent tous les prétextes pour remettre à plus tard leur confession et dès lors aussi leur communion, afin de n'être pas obligés de se surveiller eux-mêmes plus sévèrement!

5. Ah! qu'ils ont peu de piété et peu d'amour, ceux qui négligent si aisément la sainte communion! Qu'il est heureux et aimé de Dieu, celui qui vit dans une telle pureté de conscience qu'il pourrait communier tous les jours s'il ne craignait de manquer d'humilité en se singularisant! (Il faut se souvenir que la communion fréquente n'était pas coutumière quand ce livre fut écrit).
Si quelqu'un s'en abstient quelquefois par esprit de contrition ou pour une autre raison valable, son attitude est louable. Mais si la tiédeur s'est insinuée dans son âme, il doit tout mettre en œuvre pour l'en chasser; Dieu sera avec lui, car il tient toujours compte des efforts.

6. Devant un empêchement légitime, garde toujours l'intention et le désir de communier; ainsi, tu ne seras pas entièrement privé des fruits du sacrement.
Tout homme fervent peut tous les jours et à toute heure s'approcher librement du Christ par la communion spirituelle. Cependant, en certains jours et fêtes déterminées, il doit recevoir sacramentellement le corps de son Rédempteur avec un amour profond, cherchant plus l'honneur et la gloire de Dieu que son propre réconfort; il communie spirituellement et se nourrit invisiblement de Jésus Christ toutes les fois qu'il médite le mystère de son Incarnation et de sa Passion.

7. Celui qui ne se dispose à communier qu'à l'approche d'une fête ou par simple respect de la coutume sera souvent mal préparé à recevoir Jésus Christ dans son cœur.
Heureux celui qui s'offre au Seigneur en holocauste toutes les fois qu'il célèbre le sacrifice ou qu'il communie!

Lorsque tu officies, ne va ni trop vite ni trop lentement; conforme-toi aux habitudes de tes confrères. Car il ne faut pas fatiguer les assistants ni leur causer d'énervement, mais suivre l'ordre commun et la tradition. Cherche donc plutôt à servir ton prochain qu'à suivre l'attrait particulier de ta dévotion ou ton sentiment.

Chapitre 11

LE CORPS DE JÉSUS ET L'ÉCRITURE SAINTE
NOUS SONT TRÈS NÉCESSAIRES

1. Seigneur Jésus, quelle joie inonde l'âme fidèle admise à ta table, où la nourriture qu'on lui donne n'est autre que le corps de son unique Bien-Aimé, le plus cher objet de ses désirs!
Il me serait doux de verser devant toi des larmes d'amour et, comme la Madeleine, d'en arroser tes pieds, car en ta présence, tout mon cœur devrait s'embraser et pleurer de joie: c'est toi que je trouve réellement présent dans ce sacrement, bien que caché sous d'autres apparences.

2. Mes yeux ne pourraient supporter l'éclat de ta divine lumière et le monde entier s'évanouirait devant la splendeur de ta majesté. C'est donc pour ménager ma faiblesse que tu te dissimules sous le sacrement.
Je possède réellement et j'adore Celui que les anges adorent dans le ciel, mais je ne le distingue que par les yeux de la foi, tandis qu'eux le voient tel qu'il est, sans voile. Il faut que je me contente de la lumière de la vraie foi et que je marche à sa clarté jusqu'à ce que luise l'aurore du jour éternel, et que s'évanouissent les ombres des figures (Cant. 2,17).
Mais quand sera venu ce qui est parfait (1 Cor. 13,10), alors l'usage des sacrements cessera, parce que les bienheureux, dans la gloire céleste, n'auront plus besoin de ce secours. Ils se réjouiront sans fin dans l'intimité de Dieu et contempleront sa gloire face à face; transfigurés de clarté en clarté dans l'abîme de Dieu ils goûteront le Verbe de Dieu fait chair (Jean 1,14), tel qu'il a été dès le commencement et qu'il sera dans toute l'éternité.

3. Que l'évocation de ces merveilles me fait regretter ma condition présente! Car tant que je ne pourrai pas admirer mon Seigneur dans sa gloire, je tiendrai pour négligeable tout ce que je verrai ou entendrai en ce monde.
Tu m'es témoin, mon Dieu, que rien ne peut me satisfaire, que personne ne peut m'apaiser; c'est toi seul, mon Dieu, que je désire contempler éternellement. Mais cela n'est pas possible tant que je serai prisonnier de ce corps mortel. Il me faut donc, avec une grande patience, soumettre à ta volonté tous mes désirs.
Tes saints, Seigneur, qui ont déjà part à ton royaume céleste, ont aussi, pendant leur vie, attendu avec une ferme constance l'avènement de ta gloire.

Je crois ce qu'ils ont cru, j'espère ce qu'ils ont espéré, j'ai la confiance de parvenir, aidé par ta grâce, là où ils sont parvenus. En attendant, je marcherai dans la foi, réconforté par les exemples de tes saints. Les livres saints seront mes guides, le miroir de ma vie, et par-dessus tout, ton corps sacré, mon remède et mon refuge.

4. Je sais que deux choses me sont ici-bas absolument nécessaires, sans lesquelles cette misérable vie me deviendrait insupportable.
Lié aux servitudes de mon corps, j'ai besoin d'aliments et de lumière. C'est pourquoi tu m'as donné ton corps sacré pour soutenir mon corps et mon âme malades, et Ta parole comme une lampe pour éclairer mes pas (Ps. 118,105). Sans cela, je ne pourrais pas vivre dignement, car la parole de Dieu est la lumière de l'âme, et ton sacrement le pain de vie.
On peut dire aussi que ce sont deux tables dressées parmi les trésors de la sainte Eglise. L'une est la table de l'autel, qui porte le pain sacré, c'est-à-dire le corps précieux de Jésus Christ; l'autre est la table de la loi divine, contenant la doctrine éternelle, celle qui enseigne la vraie foi et conduit avec sûreté vers le repos de Dieu.

5. Je te remercie, ô Créateur et Rédempteur des hommes, qui, pour manifester ton amour au monde entier, nous as préparé ce grand banquet, au cours duquel tu donnes en nourriture, non pas le symbole de l'agneau, mais la réalité de ton corps et de ton sang. Banquet sacré où tous les fidèles boivent avec allégresse au calice du salut qui renferme toutes les joies du paradis.

6. Combien est grand et sublime le ministère du prêtre, à qui il a été donné de consacrer le Dieu de majesté par des paroles saintes, de le bénir de ses lèvres, de le tenir entre ses mains, de le manger et de le distribuer aux autres!
Oh! que les mains du prêtre devraient être nettes, sa bouche pure, son corps saint, et immaculé son cœur que vient habiter chaque jour l'auteur de toute pureté!
De la bouche du prêtre qui reçoit si souvent le sacrement de Jésus Christ ne devraient sortir que des paroles de justice et de charité. Les yeux du prêtre, qui contemplent habituellement le corps du Christ, ne devraient refléter que la limpidité et l'amour. Ses mains, qui élèvent vers le ciel l'offrande divine, doivent être parfaitement pures.
C'est aux prêtres surtout qu'il est dit dans la Loi: Soyez saints, parce que je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu (Lév. 19,2).

7. Que ta grâce nous aide, ô Dieu tout puissant, afin que nous, qui sommes tes ministres, puissions te servir dignement, avec la dévotion et l'ardeur d'une bonne conscience.
Et si nous ne pouvons pas toujours nous maintenir dans une aussi complète pureté de vie, accorde-nous au moins le privilège de pleurer sincèrement nos fautes, et de nous consacrer désormais à toi dans un esprit d'humilité et de bonne volonté totale.

Chapitre 12

SE PRÉPARER A LA SAINTE COMMUNION
AVEC GRANDE FERVEUR

1. Je suis la source de toute pureté, de toute sainteté. Je cherche les cœurs purs pour en faire le lieu de mon repos. Prépare-moi un grand cénacle bien orné, et j'y célébrerai la Pâque avec mes disciples (Marc 14,15; Luc 22,12).
Si tu veux que je vienne demeurer chez toi, purifie-toi du vieux levain (1 Cor. 5,7), et chasse toute souillure de ton cœur. Bannis toute pensée profane qui n'apporte que tumulte et désordre; tiens-toi comme le passereau solitaire sur le faîte (Ps. 101,8), et afflige-toi au souvenir de tes péchés.

Celui qui aime s'efforce toujours de préparer à l'être aimé la demeure la plus précieuse et la plus belle, et c'est à cela que l'hôte reconnaît l'affection qu'on lui porte.

2. Sache cependant que tu ne peux te préparer dignement par ton seul mérite, même si tu y consacrais un temps infini. C'est par le seul effet de ma grâce et de ma bonté que tu es admis à t'approcher de moi, comme un mendiant invité à la table du riche, qui n'a rien à offrir en retour que son humble gratitude.
Fais ce que tu peux, et fais-le bien; ce n'est pas par habitude ou par devoir que tu dois recevoir le corps du Seigneur, ton Bien-Aimé, qui daigne venir à toi, mais avec crainte, respect et amour. C'est moi qui t'ai appelé, moi qui t'ordonne de venir; je suppléerai à tout ce qui te manque.

3. Quand je t'accorde la grâce de la ferveur, remercie ton Dieu qui a eu pitié de toi, même si tu n'en étais pas digne.
Si tu es aride et sans ferveur, redouble de prière, frappe à ma porte jusqu'à ce que tu reçoives quelques miettes de ma table, une goutte de ma grâce.
C'est toi qui as besoin de moi, et non pas moi de toi. Ce n'est pas toi qui viens me sanctifier: c'est moi qui viens à toi pour te purifier et te rendre meilleur. Tu viens pour être sanctifié par ton union avec moi, pour recevoir une grâce nouvelle et te voir faciliter de nouveau la voie vers le progrès spirituel. Ne néglige pas cette grâce, mais prépare soigneusement ton cœur à recevoir ton Bien-Aimé.

4. Il ne suffit pas seulement de posséder une profonde ferveur avant la communion, il faut aussi la conserver après. La vigilance que l'on doit observer ensuite est tout aussi fructueuse que la préparation, car elle permet d'obtenir une grâce plus grande encore. Rien, au contraire, n'y dispose moins que de se tourner aussitôt vers le monde, vers les joies extérieures.
Parle peu, demeure seul chez toi pour jouir de l'intimité de ton Dieu, car tu possèdes celui que personne ne peut te ravir.
C'est à moi que tu dois te donner sans réserve, de sorte que, dégagé de toute inquiétude, tu ne vives plus en toi, mais en moi.

Chapitre 13

DÉSIRER ARDEMMENT S'UNIR A JÉSUS
DANS LA COMMUNION

1. Quand me sera-t-il donné, Seigneur, de te rencontrer face à face, de t'ouvrir tout mon cœur et d'emplir mon âme de ta présence, de sorte que plus rien ne m'atteigne, que je sois détaché de tout, mais que toi seul me parles et que je te parle, comme deux amis qui s'asseyent à la même table?
Ce que je demande, ce que je désire, c'est d'être uni tout entier à toi, de libérer mon cœur de toutes les entraves du monde, et d'apprendre, par de fréquentes communions, à goûter les choses divines et éternelles.

Seigneur mon Dieu, quand serai-je parfaitement lié à toi, fondu en toi, sans plus aucun souci de moi-même? Toi en moi et moi en toi, et que cette union soit inaltérable?

2. Tu es vraiment mon Bien-Aimé, choisi entre mille (Cant. 5,10), en qui mon âme se complaît tous les jours de sa vie. En toi est la paix souveraine et le vrai repos; en dehors de toi, on ne trouve que peines, douleurs et misères infinies.
Tu es vraiment un Dieu caché, et ton esprit ne touche pas l'impie; c'est aux humbles et aux simples que tu parles (Is 45,15; Prov. 3,34).
"Oh! que ton esprit est suave, Seigneur, qui, pour montrer à tes enfants tout ton amour, daigne les nourrir d'un pain délicieux descendu du ciel!" (Off. du saint Sacrement).
En vérité, nul autre peuple, si grand soit-il, n'a des dieux qui s'approchent de lui comme toi, notre Dieu, t'approches de chacun de tes fidèles (Deut. 4,7), te donnant toi-même à eux chaque jour comme nourriture, afin de les réconforter et d'élever leur cœur vers le ciel.

3. Quel peuple est aussi grand que le peuple chrétien? Où trouver, sur la terre, une créature plus privilégiée que le fidèle en qui Dieu daigne entrer pour le nourrir de sa chair glorieuse? O grâce ineffable! O bonté admirable! O amour infini, qui se donne ainsi à ses créatures!
Mais que pourrais-je rendre au Seigneur en échange de cette grâce, de cet amour extraordinaire? Je ne peux rien offrir à Dieu qui lui soit plus agréable que le don sans réserve de mon cœur. Quand mon âme sera parfaitement unie à Dieu, tout mon être tressaillira de joie. Lorsque Jésus me dira: "Si tu veux être avec moi, je resterai avec toi", je lui répondrai: "O Seigneur, daigne demeurer avec moi, car c'est là mon unique et ardent désir!"

Chapitre 14

PROFOND DÉSIR QUE CERTAINS POSSÈDENT
DE RECEVOIR LE CORPS DE JÉSUS CHRIST

1. Oh! qu'elle est grande, Seigneur, la joie que tu réserves à ceux qui te craignent! (Ps. 30,20).
Quand je considère avec quelle dévotion certains fidèles s'approchent de ton sacrement, je rougis de confusion de me présenter devant ton autel dans toute mon indignité, d'y apporter un cœur si tiède, de ne pas me sentir totalement embrasé par ton amour, de ne pas être entraîné vers toi, mon Dieu, par une ardeur irrésistible, comme certains de tes serviteurs.

Ils ont soif de toi, ô Seigneur, qui es la source d'eau vive; leur cœur et leur âme se tendent vers toi pour se désaltérer. Rien ne peut apaiser leur faim, si ce n'est la réception de ton corps sacré.

2. Oh! comme leur foi et leur allégresse sont des preuves sensibles de ta présence dans le saint sacrement! Car ces âmes reconnaissent vraiment le Seigneur à la fraction du pain (Luc 24,31), et leur cœur est rempli de joie parce que Jésus est avec eux.
O Seigneur, toi qui es si bon, si doux et si miséricordieux, aie pitié de moi! Permets à ce pauvre mendiant que je suis d'éprouver quelquefois, dans la sainte communion, un peu de cet amour qui enflamme le cœur, afin que ma foi s'affermisse, que mon espérance en ta bonté s'accroisse, et que ma charité enfin éveillée par cet appel d'en haut ne s'éteigne plus jamais!

3. Ta miséricorde peut m'accorder cette grâce que j'implore et me remplir de l'esprit de ferveur quand le moment de me visiter sera venu.
Bien que je ne ressemble encore en rien à ces âmes d'élite, j'aspire de toutes mes forces à les prendre pour modèles, afin de pouvoir partager avec elles l'amour infini qu'elles te portent, et être admis dans leur société.

Chapitre 15

LA GRÂCE DE LA DÉVOTION S'OBTIENT
PAR LA PRATIQUE DE L'HUMILITÉ ET DE L'ABNÉGATION

1. Si tu veux obtenir la grâce de la dévotion, il te faut la désirer ardemment, prier sans cesse pour la recevoir, l'attendre patiemment et avec confiance, l'accueillir avec gratitude quand elle se présente, la conserver ensuite avec humilité et vigilance. Mais jusqu'à ce que Dieu vienne à toi, ne t'inquiète pas du temps de la visite, ni de la forme qu'elle revêtira.
Exerce-toi surtout à l'humilité lorsque tu n'éprouves que peu de ferveur, mais garde-toi de te décourager ou de t'attrister outre mesure. Souvent, Dieu accorde en un instant ce qu'il a longtemps refusé.

2. Quelle tentation de s'enorgueillir pour la faiblesse humaine si l'on pouvait recevoir la gràce dès qu'on la désire! C'est pourquoi, au contraire, on doit l'attendre avec une grande confiance et patience. Cependant, si elle t'est refusée ou si elle vient à te manquer, tu ne pourras en rendre responsable que tes propres péchés.
C'est souvent une petite chose qui arrête la grâce ou l'empêche de se manifester, si l'on peut toutefois qualifier de petit un tel obstacle qui te prive d'un bien si précieux. Mais si tu parviens à le supprimer, alors, tes vœux seront exaucés.

3. Dès que tu te seras donné à Dieu de tout ton cœur et que, cessant de t'agiter de tous côtés selon ton caprice, tu te seras remis entièrement entre ses mains, tu goûteras la douceur de la paix en union avec lui, car rien ne sera plus cher à ton cœur que l'accomplissement de sa volonté.
Celui qui, dans la simplicité de son cœur, élève tout son désir vers Dieu et réprime tout sentiment d'amour ou d'aversion désordonné pour quelque créature que ce soit, est prêt à recevoir la grâce et les bienfaits de la dévotion.

Le Seigneur répand sa bénédiction dans les âmes qu'il trouve disposées à le recevoir. Plus tu renonceras parfaitement à toi-même et plus vite la grâce divine pourra agir en toi.

4. Alors, émerveillé et étonné, tu verras ton cœur se libérer et se gonfler, parce que le Seigneur t'accompagne et que tu t'es abandonné sans réserve et pour toujours entre ses mains.
C'est ainsi que sera béni l'homme qui cherche Dieu de tout son cœur, et qui n'aura pas reçu sa vie en vain (Ps. 127,4; 23,4).

En recevant la sainte Eucharistie, tu mérites la grâce d'une union plus intime avec Dieu si tu ne te soucies en rien de toi et si tu gardes devant les yeux, comme but unique, l'honneur et la gloire de Dieu.

Chapitre 16

EXPOSER SES BESOINS A JÉSUS DANS LA COMMUNION
ET LUI DEMANDER SA GRÂCE

1. O Seigneur plein de tendresse et de bonté, je désire maintenant te recevoir avec ferveur. Tu connais ma pauvreté et mes innombrables besoins, tu sais au milieu de quelles tentations, de quelles souffrances je me débats. Je viens à toi pour chercher le remède à tous mes maux et en obtenir un peu de soulagement.
Je parle à Celui qui sait tout, qui voit tout ce qu'il y a de plus secret en moi, et qui seul peut m'apporter secours et réconfort. Tu sais de quel bien j'ai besoin avant tout et combien je suis pauvre de vertu.

2. Me voici devant toi, faible et misérable, demandant ta grâce et implorant ta miséricorde. Nourris mon âme affamée, répands sur mon cœur meurtri la chaleur de ta merveilleuse présence.
Que toutes les joies terrestres se changent pour moi en amertume, que le monde et ses attraits disparaissent à mes yeux. Elève mon cœur à toi dans le ciel; ne le laisse plus errer sur la terre. Sois, dès maintenant et pour toujours, mon unique douceur, ma seule espérance et mon seul réconfort, mon amour, ma joie, ma tendresse et tout mon bien.

3. Oh! puisse ta présence m'emplir d'une telle ardeur que je m'identifie à jamais à toi pour que nous ne formions plus qu'un seul esprit! Ne me laisse pas m'en retourner vide et aride; sois bon avec moi com me tu l'as toujours été avec tes saints.
Qu'y aurait-il d'étonnant à ce que cela s'accomplisse puisque tu es le feu qui brûle sans jamais s'éteindre, l'amour parfait qui purifie les cœurs et qui éclaire les âmes?

Chapitre 17

ARDENT DÉSIR DE RECEVOIR JÉSUS CHRIST

1. Seigneur, c'est avec une grande ferveur et un profond amour, avec toute la tendresse et l'affection dont je suis capable, que je désire te recevoir, comme l'ont fait tant de saints et de fidèles qui ont su te plaire par la pureté de leur vie et leur don d'eux-mêmes.
O mon Dieu, source éternelle de toute félicité, je désire te recevoir avec plus de ferveur et de respect qu'en a jamais ressenti aucun de tes saints.

2. Bien que je sois indigne d'éprouver de tels sentiments, je te donne cependant toute l'affection de mon cœur, comme si j'étais seul à posséder cet ardent désir de t'être agréable. Toutes mes intentions, toutes mes pensées, je te les offre; je ne veux rien garder pour moi, mais au contraire déposer à tes pieds tout ce qui m'appartient.
Seigneur mon Dieu, mon Créateur et mon Rédempteur, je désire te recevoir aujourd'hui avec un dévouement total à ton service, avec la gratitude, l'amour, la foi, l'espérance et la pureté qui éclairèrent ta très sainte Mère, la glorieuse Vierge Marie lorsque, à l'ange qui lui annonçait le mystère de l'Incarnation, elle répondit humblement et de tout son cœur: Voici la servante du Seigneur! Qu'il me soit fait selon ta parole (Luc 1,38).

3. Et de même que saint Jean-Baptiste, guidé par l'Esprit Saint, tressaillait de joie en ta présence, et que te voyant ensuite converser avec les hommes, disait avec l'amour fort inséparable d'une réelle humilité: L'ami de l'époux qui se tient près de lui et l'écoute, est tout joyeux d'entendre la voix de l'époux (Jean 3,29), ainsi je veux être moi-même empli des plus saints et des plus ardents désirs, et me consacrer à toi de toutes mes forces.
C'est en mon nom que je te parle ainsi, mais aussi au nom de tous ceux qui se sont recommandés à mes prières, afin que toute l'éternité, ils te bénissent et chantent à jamais ta gloire.

4. Seigneur mon Dieu, reçois aujourd'hui ce gage d'amour et cette promesse de fidélité qui sont dus à ton ineffable majesté. Je veux te les renouveler chaque jour et à tout instant, et je convie de tout mon cœur toutes les âmes des fidèles, vivants ou morts, à s'unir à moi pour te payer ce tribut de louanges et d'actions de grâces.

5. Que tous les peuples et toutes les nations glorifient la sainteté de ton nom dans la joie et l'allégresse!
Que tous ceux qui célèbrent avec respect et dévotion ton divin mystère et qui reçoivent ton corps avec une foi toujours plus vive puissent trouver auprès de toi grâce et miséricorde et intercéder aussi pour nos péchés. Et quand ils s'éloigneront de la sainte table, apaisés et comblés par ta présence, puissent-ils alors se souvenir de mon indigence!

Chapitre 18

NE PAS CHERCHER A PÉNÉTRER LE MYSTÈRE DE L'EUCHARISTIE
MAIS SOUMETTRE SES SENS A LA FOI SURNATURELLE

1. Garde-toi de la curiosité inutile qui porte à vouloir percer le profond mystère du saint sacrement, si tu ne veux pas te laisser entraîner par une avalanche de doutes.
Celui qui scrute la majesté de Dieu sera accablé par sa gloire (Prov. 25,27). Dieu n'a pas donné à l'homme l'intelligence suffisante pour tout connaître.
Une humble et sincère recherche de la vérité n'est pas interdite pourvu qu'on soit toujours prêt à se laisser instruire, et qu'on s'attache fidèlement à la saine doctrine.

2. Heureux celui qui s'écarte du chemin malaisé des questions difficiles pour marcher dans la voie droite et sûre des commandements de Dieu!
Nombreux sont ceux qui se sont égarés en cherchant à approfondir ce qui demeure impénétrable à la nature humaine.
Ce que l'on exige de toi, c'est une foi solide et une vie pure, et non une connaissance universelle.
Si tu ne peux parfois même pas comprendre et saisir ce qui est au-dessous de toi, comment comprendrais-tu ce qui est au-dessus? Abandonne-toi à Dieu, soumets ta raison à ta foi, et il te sera donné la lumière nécessaire.

3. Certains sont tentés au sujet de la foi et du saint sacrement; il peut y avoir là une suggestion de l'ennemi. Ne te laisse donc pas assaillir par les doutes que le démon t'inspire, ni tourmenter par les pensées qu'il te suggère, mais crois à la parole de Dieu, crois à ses saints et à ses prophètes, et l'esprit mauvais s'enfuira.
Il est souvent très profitable à un serviteur de Dieu de subir de telles épreuves. En effet, le diable ne tente pas les incroyants et les pécheurs, puisqu'il est sûr de les posséder; c'est aux fidèles et aux amis de Dieu qu'il s'attaque afin de s'emparer d'eux par tous les moyens.

4. Continue donc d'avancer dans la voie de Dieu avec une foi simple et inébranlable; approche-toi du saint sacrement avec un humble respect, et pour tout ce qui dépasse ton entendement, remets-t'en avec confiance à la toute-puissance de Dieu.
Dieu ne trompe jamais personne , mais celui qui se fie trop à lui-même risque fort de tomber dans l'erreur.
Dieu s'approche des simples, se révèle aux humbles, donne l'intelligence aux petits (Ps. 118,130), montre le chemin aux âmes pures, mais prive de sa grâce les curieux et les orgueilleux.
La raison humaine est souvent convaincue d'erreur, mais la vraie foi est infaillible.

5. La raison et toutes ses recherches doivent se ranger derrière la foi, et non la précéder ou la combattre.
S'il est un lieu par excellence où la foi et l'amour opèrent des merveilles en secret, c'est certainement dans le très saint sacrement.
Dieu, éternel, infiniment puissant, accomplit dans le ciel et sur la terre des desseins impénétrables dont nul ici-bas ne peut sonder la profondeur.
Si les œuvres de Dieu étaient telles que la raison humaine pût facilement les comprendre, elles perdraient leur véritable nature qui est d'être prodigieuses et ineffables.